Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/191

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née par de riches propriétaires retirés du commerce, et d’après les conseils d’amis agronomes. Les hommes sont par-tout de la même trempe ; par-tout ils se repaissent d’illusions, et les plus agréables, à un certain âge, sont celles qui flattent la vanité. Que faire à la campagne, après avoir passé une grande partie de sa vie dans la plus grande activité ? S’y adonner à l’agriculture, améliorer ses propriétés, y occuper beaucoup de bras, enfin être cité comme le restaurateur de l’agriculture, et le bienfaiteur du canton. On ne calcule pas l’argent qu’il en coûte pour opérer toutes ces merveilles, et sur-tout pour obtenir ce titre flatteur ; on se dissimule ses dépenses, on s’exagère ses produits, parce que cette illusion est agréable, et si, en définitif, on n’augmente pas sa fortune par cette conduite, on en a du moins joui d’une manière utile pour son pays, parce que, dans le nombre des expériences futiles que l’on aura tentées, il doit s’en trouver de très-avantageuses qui contribueront efficacement à l’amélioration de l’agriculture.

Quoi qu’il en soit, l’agriculture pratique anglaise ne présente pas, à beaucoup près, une aussi grande étendue et une aussi grande variété que la nôtre. Elle n’a pas, à proprement parler, de pays de grande culture ; ses fermes les plus grandes n’ont qu’une exploitation de quatre de nos charrues ; son climat se refuse à une petite culture aussi étendue que la nôtre, et, sous ces deux rapports, son agriculture pratique ne peut pas lui être comparée.

Il ne lui reste donc que la moyenne culture, et encore celle dans laquelle la culture des céréales n’entre que comme récolte de rotation, et dont l’objet principal est l’éducation et l’engraissement des bestiaux. Alors la Flandre et la Normandie nous offriront, avec un avantage réel et éprouvé, des points de comparaison avec la culture perfectionnée des comtés méridionaux de l’Angleterre.

La culture de ces provinces présente des assolemens également avantageux, dans lesquels on ne trouve point de jachères ; et s’ils offrent d’ailleurs quelques différences, elle est due aux localités et à la température de leur climat. Dans les unes, la culture des prairies naturelles et artificielles, ou des herbages, ou des plantes légumineuses, est plus lucrative, tandis que, dans les autres, c’est celle des plantes filamenteuses, ou des plantes huileuses et colorantes.

Si ensuite nous comparons l’agriculture des autres comtés de l’Angleterre avec celle de nos pays où la moyenne culture n’a pas encore été améliorée, nous y trouverons à peu près les mêmes assolemens, la même routine, et des produits également médiocres.

Ainsi, bien loin d’admettre la prééminence de l’agriculture pratique anglaise sur l’agriculture pratique française, nous sommes fondés à conclure qu’elle ne peut aller de pair qu’avec notre moyenne culture, et que les deux autres divisions de notre agriculture ne peuvent être mises en parallèle avec celles d’aucunes nations de l’Europe, parce qu’aucune d’elles ne peut présenter dans son agriculture une aussi grande étendue et une aussi grande variété.

Cette conclusion exigeroit peut-être d’être appuyée par un tableau fidèle et exact des produits de ces différentes cultures, avec l’évaluation de ces produits, ainsi que celle des frais de culture, semence, récolte et amendement. Mais comment se procurer ces données, et compter sur leur exactitude ? Est-ce dans les livres d’agriculture ? Chacun de leurs auteurs ne peut-il pas être soupçonné de les avoir altérées suivant qu’elles seroient plus ou moins favorables au