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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/195

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Je suis laboureur. — Ventre-saint-gris ! je veux voir vos jardins. Il y fut, combla d’éloges le laborieux cultivateur, admira ses riches moissons, et convint que la préférence leur étoit bien due sur ses propres jardins. Henri IV regardoit donc l’agriculture comme le premier des arts pour la France, et, si une main parricide n’eût rompu le cours d’un règne aussi prospère, ce bon roi l’auroit encouragée par tous les moyens convenables. On n’oubliera jamais la promesse de la poule au pot qu’il avoit faite au cultivateur.

La minorité de Louis xiii, et son règne orageux ; la minorité de Louis xiv, et les guerres que la jalousie de ses voisins ou peut-être une ambition démesurée, lui suscitèrent ou lui firent entreprendre, firent oublier au gouvernement de la France ce qu’il devoit à son agriculture.

La perte des bras qui lui étoient nécessaires fut le moindre dommage que ces guerres lui occasionnèrent. Souvent brillantes, quelquefois malheureuses, elles électrisèrent le caractère martial des Français. Jusque dans la chaumière du simple cultivateur, la gloire des armes l’emporta sur le goût et l’habitude de ses paisibles travaux ; l’agriculture fut délaissée, et bientôt les disettes de subsistances furent plus fréquentes.

C’est dans ces malheureuses circonstances que Louis xiv, instruit par sa propre expérience sur la véritable gloire d’un roi, voulut relever la profession de cultivateur, en anoblissant un généreux laboureur qui avoit secouru Paris, avec le plus grand désintéressement, pendant la famine de 1696 ; et ce laboureur étoit encore un Navarre, descendant de celui dont nous avons raconté l’anecdote. Mais le génie de Colbert le portoit à l’établissement du commerce maritime et des manufactures, dont la création sembloit lui promettre une gloire plus brillante que celle d’être proclamé le restaurateur de l’agriculture : et si, sous son ministère, elle obtint quelques distinctions et quelques édits favorables, toutes les grâces du gouvernement furent pour le commerce, les manufactures et les arts.

La régence licencieuse de la minorité de Louis xv ne fut pas favorable à l’amélioration de l’agriculture, et le système de Law, en introduisant en France un esprit d’agiotage jusqu’alors inconnu, altéra les mœurs de ses habitans, en déplaça les fortunes, et porta un coup funeste à toutes les branches de la prospérité publique et particulière.

Il a fallu le long et pacifique ministère du cardinal de Fleury, pour modérer et appaiser l’exaltation des Français, et les faire rentrer dans les sentimens libéraux de franchise et de loyauté qui les avoient toujours caractérisés. L’agriculture respira pendant son ministère ; les manufactures et les arts reprirent de l’activité ; mais le souvenir encore récent du règne brillant de Louis xiv, et des succès que le commerce, les manufactures et les arts avoient obtenus pendant sa durée, fit encore négliger l’agriculture.

On ne soupçonnoit pas encore que, dans un état comme la France, toutes les branches de l’industrie, tous les moyens d’existence, sont pour ainsi dire subordonnés les uns aux autres, qu’ils ont tous besoin les uns des autres, et sont entr’eux dans une telle dépendance réciproque, que si l’un prospère momentanément aux dépens de l’autre, cet avantage est la première cause de sa déchéance prochaine ; enfin, que pour qu’un grand État soit florissant, il faut que chacune des branches de son industrie soit dans un état de prospérité analogue, et que l’une ne le soit pas au préjudice de l’autre.

Ainsi, si l’on avoit bien entendu les intérêts de la France sous le ministère