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battus par le passage des hommes et des animaux, et vivent très-bien sous les autres plantes des prairies naturelles. Elles sont traçantes, s’élèvent de huit à dix pouces de haut, et fournissent un fanage délié, tendre et succulent. Ce sont elles qui, dans certaines prairies humides, lorsque les regains ont été fauchés, tapissent la terre et fournissent aux moutons la pâture fine qu’ils recherchent davantage. Il seroit utile à la bonification des prairies, de semer des graines de ces plantes dans la proportion d’une livre ou deux par arpent, avec celles du fromental, du thimoty et des autres plantes destinées à produire du fourrage sec. Le foin enlevé, les chevaux et sur-tout les moutons trouveroient sur les prés, dans l’arrière-saison, une pâture saine et abondante.

Une autre espèce d’agrostis, qui est l’argenté du Dictionnaire de Botanique de Lamarck, n° 7, et l’agrostis calamagrostis de Linnæus, pourroit être employée à former des pâturages pour les troupeaux de brebis, dans un sol différent de celui que nous avons indiqué pour les espèces précédentes. Cette plante croît dans le midi de la France, sur des terrains peu profonds, pierreux et secs ; elle vient sur des coteaux assez rapides, et a l’avantage de pousser de très-bonne heure, dès le premier printemps. Elle est vivace, traçante et forme des masses de verdure qui, défendues de la dent du bétail, s’élèvent environ à vingt pouces de haut. La précocité de cette plante, la propriété qu’elle a de croître dans des terrains de peu de valeur pour les cultures de cette nature, et la qualité de son fourrage, doivent engager les propriétaires à la cultiver. Le moyen en est simple et peu dispendieux. Il consiste à semer ses graines au premier printemps, sur un terrain préparé par un labour d’automne et renouvelé par un second donné à la terre, quelques jours avant le semis ; à le herser et à le rouler ensuite. Pour se rembourser des frais de cette culture et augmenter son bénéfice, on pourroit répandre sur les semis des graines de seigle ou d’avoine, dans la proportion des deux tiers ou des trois quarts de ce qu’on en emploie ordinairement pour ensemencer des terrains affectés à ces cultures.

Quelques autres espèces encore sont indiquées comme devant fixer l’attention des agriculteurs : ce sont l’agrostis des champs, n°. 1 du Dictionnaire de Botanique de Lamarck, (Agrostis spica venti L.) et le sucré, (Agr. dulcis Sibthorp.). Ceux-ci sont propres à fournir des fourrages secs, de bonne qualité. Mais malheureusement ces plantes sont annuelles, et les dépenses qu’occasionneroit leur culture ne permettent pas de l’entreprendre.

La première de ces espèces croît si abondamment dans certaines pièces de blé, et parmi d’autres céréales, qu’on croiroit qu’elle y a été semée avec soin. Cela n’a rien d’étonnant lorsqu’on sait que cet agrostis mûrit beaucoup plus tôt que les blés ; que ses graines, qui sont en très-grande quantité, se répandent sur la terre et sont enterrées par les labours qui suivent la récolte des grains. Dans les pays où on laisse les chaumes sur pied, de la hauteur de quinze à vingt pouces, pour les faucher dans l’arrière-saison, comme cela se pratique dans plusieurs pays méridionaux, cette plante levant, ainsi que beaucoup d’autres, aux premières pluies, s’élève presque à la hauteur du chaume, se fauche avec lui et rend cette sorte de fourrage très-appétissant pour les bêtes à cornes. Voilà déjà un usage important, puisque, sans dépenses et sur le même terrain, on se procure un fourrage abondant et fort nutritif pour un genre de bestiaux très-utile. Peut-être seroit-il possible de lui en trouver un autre aussi intéres-