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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/227

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grisâtres, dures, farineuses, et imitant un peu, pour la forme, la graine de lin, mais plus petites de moitié. Un épi contient cinquante semences, souvent davantage, et un pied rapporte douze à quinze épis, suivant que les pieds sont plus ou moins près les uns des autres.

Lieux. Croit naturellement dans les îles Canaries, à Malte, sur la côte de Barbarie et dans le Levant, au milieu des champs, parmi les plantes céréales. On la cultive en rase campagne, en Espagne, en Italie, dans le midi de la France, à Aubervilliers, près Paris, dans les départemens de la Seine-Inférieure, du Nord, de l’Escaut et des Deux-Nèthes. Cette culture est aussi établie en Angleterre, dans l’île de Thanet, au comté de Kent. Ainsi, on rencontre cette plante cultivée ou sauvage, depuis le vingt-cinquième degré jusqu’au cinquante-unième de latitude de l’hémisphère boréal. Il n’est pas douteux qu’on ne puisse la cultiver dans tous les pays où il existe une température moyenne de quinze degrés de chaleur pendant trois à quatre mois ; la durée de cette céréale, année commune, est de cent cinquante jours en Angleterre, et de quatre-vingt-dix sur la côte de Barbarie.

Usages. Les semences de cette plante sont apéritives et salutaires dans les embarras des reins et de la vessie.

Propriétés économiques. La graine d’alpiste sert à la nourriture des serins ou canaris, qui l’aiment beaucoup. On la leur donne lorsqu’ils sont dans le temps de la mue ; elle les échauffe, les fait chanter, et les excite à l’amour. Les autres petits oiseaux que l’on tient en cage en mangent avec plaisir, et ceux du pays qui sont libres la recherchent avec passion. Les perdrix et les faisans en sont très-friands.

En temps de disette, on peut en faire du pain ou des bouillies, et en nourrir les hommes. Sa farine n’est pas aussi blanche que celle du froment ; mais le pain qui en est fait a la saveur de celui fabriqué avec du millet. Il est savoureux et nourrissant.

Comme cette plante est originaux des climats chauds, que sa carrière végétative est courte, et qu’elle craint peu la chaleur et la sécheresse du sol, elle peut être d’un grand secours pour remplacer les semis de grains qui ont été détruits par les débordemens et par les grêles qui arrivent avant floréal. À cette époque, on est encore à temps de semer la graine dans le centre ; et jusqu’au 15 du même mois, dans le nord de la France, et l’on peut en espérer de bonnes récoltes.

L’alpiste peut être considéré comme fourrage vert, soit en le semant seul, au printemps, lorsqu’il n’y a plus de fortes gelées à craindre, ou aux premières pluies de la fin de l’été et du commencement de l’automne, soit en le mélangeant avec les graines de sainfoin, de luzerne, ou d’autres plantes vivaces, dont le jeune plant a besoin de quinze à dix-huit mois de temps pour garnir le terrain et fournir des coupes de fourrage abondantes. L’alpiste, arrivant en sa floraison en six semaines, peut être coupé, et donné à manger au bétail. Il laisse, dans le terrain qu’il occupoit, de nombreuses touffes de racines, dont la décomposition tourne au profit des plantes qui restent sur le sol. Après avoir protégé leur germination de son ombrage léger, il fournit l’humus nécessaire à leur végétation.

Culture. L’alpiste des Canaries étant une plante annuelle, qui gèle à un froid de trois à quatre degrés, ne doit être semé, dans le nord de la France, que lorsque ce froid n’est plus à craindre. Il est même utile d’attendre l’arrivée des premières pluies chaudes qui excitent dans la terre cette douce chaleur, si propre à hâter la germination des graines, et la