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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/250

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entamée, et qu’elle contient une semence huileuse du goût de ces animaux.

La récolte de l’arachide doit être différée jusqu’au mois de novembre ; son fruit acquiert de la grosseur jusqu’à cette époque, sur-tout dans nos climats, où la végétation n’est pas aussi prompte que dans les pays où cette plante est indigène : d’ailleurs, on n’a pas à craindre qu’elle soit endommagée par les premiers froids de l’automne ; lorsque sa tige prendra une teinte jaune, ou qu’elle se fanera, on pourra commencer la récolte.

Cette récolte est facile ; elle s’effectue en prenant la fane d’une main, et la tirant à soi. Les gousses, fixées à la plante par les pédoncules, sortent de terre sans qu’il soit nécessaire de se servir d’un instrument pour les en retirer. On laisse sécher les pieds sur les champs, si le temps est beau ; ou bien on les porte sous des hangars ou dans des greniers, pour qu’ils puissent acquérir le dernier degré de siccité. On peut les conserver en les suspendant aux murailles, ainsi que nous l’avons vu pratiquer dans le royaume de Valence ; ou bien, on sépare les gousses de la tige, et on les entasse sur des planches jusqu’au moment où on veut employer les fruits pour la semaille, ou pour la fabrication de l’huile.

Propriétés économiques. Le succès qu’à eu en France la culture de l’arachide, depuis son introduction dans nos départemens méridionaux, donne lieu d’espérer que cette plante utile se propagera de plus en plus, et qu’elle remplacera très-avantageusement plusieurs semences oléagineuses qui ne produisent pas une aussi grande quantité d’huile, ni d’une qualité aussi bonne. Cette plante, dont l’huile peut être employée aux usages de la table, ainsi qu’à ceux des arts, mérite bien d’être propagée, surtout dans les départemens méridionaux, où la chaleur du climat n’est pas assez intense pou favoriser la culture des oliviers.

Comme l’introduction en France de l’arachide, ne date que de deux ou trois années, et que les avantages qu’on peut en retirer ne sont pas assez connus, nous allons exposer les usages auxquels elle peut être appliquée.

Les semences, communément au nombre de deux dans chaque gousse, donnent un aliment dont les Indiens du Mexique, et ceux de quelques autres parties de l’Amérique méridionale, font un assez grand usage. Ils les mangent crues, ou ils les font rôtir sur les charbons. Dans le premier état, elles ont un goût assez agréable, mais un peu âpre, et approchant de la saveur des haricots crus. La meilleure manière de les manger c’est de les passer au feu ; la cuisson leur enlève le goût de fruit qui déplaît aux personnes qui n’y sont pas habituées. On les met sous la cendre ; on les fait griller dans une poêle ; ou on les met, sans les séparer de leur gousse, dans un four chauffé modérément ; on peut les faire cuire dans l’eau, et le accommoder à l’huile ou au beurre, à la façon des graines légumineuses, ou même en faire de la purée : mais ces espèces de ragoûts ne plaisent pas à tout le monde.

La semence de l’arachide peut, après avoir été torréfiée et broyée, donner une boisson caféiforme, ainsi qu’on le fait avec plusieurs espèces de baies, de grains, etc. Ceci est une affaire de goût, et ne peut être prescrit comme un moyen supplémentaire, que d’après la position et les circonstances où chacun se trouve. On a même essayé d’en faire de la bouillie et du pain, en torréfiant légèrement le marc qui reste après l’extraction de l’huile et en y ajoutant une certaine quantité de farine de froment. Ces alimens ne conviennent guères que dans les temps de disette.