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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/303

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que j’ai déjà cité, assure (Hist. nat. des Poissons) qu’il a mangé des œufs de barbeau avec toute sa famille, et que personne n’en a jamais été incommodé. Un naturaliste français, non moins célèbre et digne de toute croyance, M. Bose, affirme, dans le Nouveau Dictionnaire d’Histoire naturelle, que les œufs de barbeau ne lui ont point fait éprouver de sensations fâcheuses. J’ajouterai que j’ai mangé moi-même, une seule fois à la vérité, une assez grande quantité de ces œufs, sans qu’il en soit résulté le moindre inconvénient. Il paroit néanmoins que c’est un mets dangereux en quelques circonstances qui ne sont point encore connues ; car, on ne peut admettre l’opinion déjà vulgaire au temps de Rondelet, et que cet ancien naturaliste regardoit avec raison comme peu fondée ; (Voyez l’Histoire entière des Poissons, par Guillaume Rondelet ; édit. de Lyon. Liv. des Poissons de rivière, chap. 16, pag. 141) savoir, que les œufs des barbeaux ne contractoient de qualités malfaisantes que dans la saison où ces poissons rencontrent sur la surface de l’eau, et avalent les fleurs tombées des saules qui bordent les rivières. Comment ces fleurs, qui ne sont pas un poison, communiqueroient-elles aux barbeaux la funeste propriété d’empoisonner les hommes ? Et, ce qui seroit encore plus difficile à expliquer, pourquoi cette mauvaise qualité, ne s’acquérant que par les femelles de l’espèce du barbeau, ne se concentreroit-elle que dans leurs œufs, tandis que les mâles, aussi bien que les autres parties, tant intérieures qu’extérieure des femelles, n’en seroient nullement atteintes ? Quoique l’on ne connoisse pas encore la cause des effets pernicieux que l’on a attribués aux œufs de barbeau, l’on ne peut douter que leur usage ne soit quelquefois dangereux, en sorte qu’il est toujours prudent de s’en abstenir. Un ancien médecin (Ant, Gazius, apnul Aldrovand, de Piscibus, pag. 479) raconte ce qu’il éprouva lui-même après avoir avalé deux boulettes formées de ces œufs, dans la vue de s’assurer de leurs propriétés. Il passa d’abord quelques heures sans ressentir aucune incommodité ; mais il éprouva ensuite un gonflement d’estomac qu’il crut en vain pouvoir dissiper en prenant de l’anis. Une heure après, sa physionomie se décomposa d’une manière extraordinaire, et qui effraya ceux qui se trouvoient près de lui. Il éprouva des douleurs aiguës, non seulement à l’estomac et dans les entrailles, mais encore dans tous les membres, jusqu’à ce qu’une double et violente évacuation, qui le mit en danger de perdre la vie, l’eût délivré de ses souffrances.

La laite est, en tout temps, fort bonne à manger. À l’approche du frai, elle grossit considérablement, et elle prend une teinte rougeâtre.

Pèche du Barbeau. Tous les filets et les pièges, que l’on a coutume d’employer à la pêche des poissons de rivière, sont propres à celle du barbeau. La voracité de ce poisson le rend facile à prendre à la ligne, principalement en été. Les appâts auxquels il mord avec le plus d’avidité sont les très-petits poissons, les achées ou vers de terre, les sangsues, les insectes, tels que les grillons, les sauterelles, les noctuelles, les bombices, et sur-tout ceux du saule. Pour attirer les barbeaux dans les endroits où on leur a tendu des embûches, on jette à l’eau un nouet ou vin petit sac de toile qui renferme un mélange de fromage, de jaune d’œufs, et d’un peu de camphre. Le lin, ainsi qu’on l’a vu précédemment, est la substance autour de laquelle ces poissons se rassemblent en plus grand nombre.

Si la pêche des barbeaux est très-abondante, on peut tirer parti de la vessie d’air qu’ils ont dans leur intérieur, pour en faire l’espèce de colle forte que l’on