Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/305

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merson, des Dombey, des Michaux, apporteroient, des contrées lointaines, les productions les plus essentielles, et qui affronteroient tous les dangers pour ajouter à nos collections, et accroître les ressources de la patrie ! Leurs noms, offerts à la vénération des peuples, seroient inscrits à côté de ceux à qui nos colonies sont redevables de la belle culture du café, du muscadier, du giroflier. Combien de végétaux sauvages, ou cultivés sur le sol du nouveau monde, dont on pourroit enrichir notre hémisphère ! tant de plantes, qui figurent aujourd’hui dans nos champs et dans nos potagers, y ont si parfaitement réussi ! la pomme de terre, le topinambour, le maïs, ne sont-ils pas maintenant aussi vigoureux, aussi productifs en France que dans leur pays natal ?

Mais ces naturalisations doivent être circonscrites : il faut les borner aux plantes dans lesquelles l’homme et les animaux peuvent trouver une nourriture salutaire : il faut les distinguer de celles qu’on propose tous les jours, sans trop faire attention aux conséquences fâcheuses qui pourroient en être la suite. Quand bien même les tentatives essayées jusqu’à présent, pour acclimater parmi nous la canne à sucre, le coton et l’indigo, auroient obtenu quelques succès, il seroit peut-être d’une sage politique d’y renoncer. Ne faut-il pas se ménager des moyens d’échange contre les produits de notre sol et de notre industrie ?

D’après les renseignemens que nous nous sommes procurés de toutes parts, il est plus que probable que la batate prospéreroit dans plusieurs de nos départemens, et que peut-être on parviendroit à la rendre moins délicate pour le froid, en choisissant des abris, en préférant d’abord pour la plantation celle qui est déjà acclimatée dans le royaume de Valence, parce que la température de ce lieu est moins différente de la nôtre. Nous pensons donc que des détails plus étendus que ceux que n’a pu donner Rozier, il y a vingt ans, relativement à la culture et aux usages d’une plante sur le point d’être naturalisée dans les cantons les plus méridionaux de l’Europe, ne pourront pas être sans utilité, d’autant mieux que je lis, dans le quinzième cahier des Annales du Muséum d’Histoire naturelle, l’extrait d’une lettre adressée à M. Thouin par M. Lormerie, correspondant du Gouvernement pour l’agriculture, Philadelphie, dans les États-Unis d’Amérique, qui lui envoie une boîte remplie de tubercules de batates petites, mais sucrées et d’une excellente qualité ; il ajoute qu’il lui a été impossible d’obtenir des graines de cette plante, parce que rarement elle en produit dans ce climat ; que l’on commence à en manger dans ces contrées vers les premiers jours de thermidor, et que l’on en fait des chargemens de bateaux pour différens pays. L’administration du Muséum s’est empressée de remettre ces tubercules à des agriculteurs zélés des départemens de la Drôme, de l’Hérault, des Deux-Nèthes et de l’Escaut, pour les multiplier et les répandre dans les environs ; et on saura bientôt ce qu’on peut attendre de cet essai, par les observations qu’on aura recueillies sur la culture des batates dans trois climats différens.

Variétés de la batate. Elles diffèrent entr’elles par la forme, le volume, la couleur et le goût des tubercules, par la figure des feuilles, dont les contours sont plus ou moins arrondis et sinués profondément. La couleur des fleurs offre aussi des nuances ; les unes sont blanches, les autres violettes, les autres brunes. Il y a des batates hâtives et des batates tardives. Les premières viennent en maturité au bout de six semaines dans l’Amérique méridionale ; les secondes, au contraire, demandent quatre mois environ pour parcourir toutes les périodes de leur végétation.

Dans le nombre des espèces ou variétés