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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/308

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la batate, pourvu qu’on ait à sa disposition de l’eau pour humecter suffisamment le terrain qu’on y destine ; autrement, il faut attendre qu’il soit imbibé par la pluie, et bien ameubli, comme pour les autres espèces de plantations. On ouvre des sillons larges d’un pied six pouces de profondeur, espacés les uns des autres d’environ un pied et demi ; ou bien, on creuse des trous de dix-huit pouces de long, de même profondeur, largeur et espace que les sillons : on couche, sur la largeur des sillons, des morceaux de tiges de batate longs d’un pied et demi environ, en observant que chaque morceau ait trois nœuds, et qu’il y ait dans chaque trou un pareil morceau. On le recouvre avec la terre du sillon ou du trou, ayant soin que les feuilles soient à la surface du terrain, c’est-à-dire, qu’il n’y ait que la tige et les pétioles des feuilles d’enterrés. Il ne s’agit plus que de sarcler les mauvaises herbes qui nuiroient à son accroissement, jusqu’à ce que les tiges rampantes, très-chargées de feuilles, aient recouvert la surface du terrain.

L’arrosage que cette plante demande doit être renouvelé à trois époques différentes : d’abord, lorsqu’on met le plant en terre ; ensuite, huit a dix jours après, pour en assurer le développement ; enfin, au moment où les tubercules vont se former. En Espagne, ces arrosages sont plus souvent répétés.

Dans l’espace de quatre mois, les bâtâtes ordinaires arrivent à maturité dans nos îles, et on en fait la récolte à la manière des autres racines ; mais en Espagne, on ne touche pas à celles qui occupent le terrain le moins exposé au froid, parce que ce sont leurs tiges qui doivent servir à la plantation future.

Cette méthode a l’avantage d’économiser le terrain, de multiplier les ressources, et même, dans les lieux où les rats ravagent les cannes à sucre, elle a encore un effet très-heureux, celui d’offrir à cet animal destructeur une nourriture qu’il préfère à la canne qu’on, préserve de cette manière.

Dans les endroits où l’on peut arroser, on fouille les bâtâtes à la houe, et on les replante ; mais ailleurs, on les marronne ; c’est-à-dire qu’on les cherche à la racine, et qu’on les enlève sans arracher la tige, qui donne une seconde fois ce qui se nomme batate de rejetons. On emploie aussi pour la culture des batates, les intervalles qu’on laisse entre les plantations de cannes, soit pour les charrois, soit par précaution contre les incendies ; intervalles qu’on nomme divisions dans quelques colonies, et traces dans d’autres.

Des usages économiques de la batate. La batate est revêtue d’une écorce mince et grise ; sa chair est de différentes couleurs, mais ordinairement d’un blanc jaunâtre, sèche, flexible, et d’autant plus médiocre qu’elle a une consistance grasse et filandreuse. En l’ouvrant, on remarque des points blancs et brillans à sa surface. Elle pèse communément depuis une demi-livre jusqu’à vingt onces ; on en a vu du poids de huit à dix livres. Cuite dans l’eau ou sous la cendre, la batate a une saveur très-sucrée, comparable à nos meilleurs marrons. Elle contient, suivant l’analyse que nous en avons faite en 1780, du sucre, de l’amidon, une matière extractive et une substance fibreuse. Sans doute ces principes doivent varier, car les batates qui nous avoient été envoyées de Malte par Dolomieu n’avoient point d’amidon, tandis que les batates de Malaga, que nous nous sommes procurées par la voie du commerce, ont donné beaucoup de cette matière.

Mais le suc que la patate contient toujours la rend très-susceptible de s’altérer et c’est la disposition de fermenter qu’à la batate qui porte les Indiens à la faire entrer dans leurs boissons. On sait qu’ils sont amateurs de liqueurs vineuses, et