Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/325

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entrevoir quelque espoir de réussir, c’étoit de tenter la naturalisation de la canne à sucre ; mais les expériences de culture entreprises à ce sujet, sur le point le plus méridional de la France, n’ont été couronnées d’aucun succès. La canne a bien acquis une hauteur et une grosseur analogues à celles qu’a la même plante en Amérique ; mais, lorsqu’il a été question d’en retirer du sucre, on n’a pu obtenir que du mucoso-sucré, c’est à-dire, un sirop non cristallisable. Ce n’est, comme l’a dit M. Cels, dans un Mémoire présenté à l’Institut, que lorsque la canne est complètement mûre, qu’on peut assurer qu’elle fournira de bon sucre ; mais, pour que sa maturité ait lieu, il ne suffit pas que le terrain soit bon, il faut un concours d’une chaleur long-temps continuée et de beaucoup d’humidité. Or, sur le sol le plus favorable de la France, on ne peut pas se flatter de réunir ces deux avantages ; l’hiver, plus ou moins prolongé, suspend pour un temps la végétation ; et, s’il est certain que dans nos climats les plus chauds on ne peut avoir les cannes mûres au plus tôt avant un an, il est aisé d’en conclure qu’il ne faut pas songer à cultiver la canne à sucre en France, pas plus que l’érable à sucre, (acer saccharinum Linn.) Dans cet état de choses, il ne restoit plus qu’une chance aux spéculateurs, c’étoit de reprendre en sous-œuvre les végétaux dans lesquels Margraaff avoit découvert du sucre. M. Achard, dont les vues d’utilité méritent les plus grands éloges, crut devoir se servir, pour objet de ses expériences, de la betterave champêtre, par la raison qu’elle est, de toutes les variétés de betteraves, celle que les Allemands cultivent en grand, et qu’elle présenté, soit dans l’épaisseur de son feuillage, soit dans le volume de ses racines, une nourriture abondante pour le bétail.

M. Achard ne tarda pas à annoncer qu’il avoit trouvé des procédés, au moyen desquels il pouvoit tirer une quantité de sucre assez considérable pour que, en calculant tous les frais, ce sucre ne revînt pas à plus de cinq ou six sous la livre, poids de marc. Tous les ouvrages périodiques retentirent de la découverte, et on alloit se livrer à des recherches plus ou moins dispendieuses, lorsque la classe des sciences physiques et mathématiques de l’Institut, pour faire disparoître toutes les incertitudes, déterminer et fixer l’opinion, chargea une commission d’apprécier, par des expériences positives, la proposition de faire en grand le sucre de betterave. Les membres qui la composoient n’ont oublié aucun des moyens les plus capables de dissiper tous les doutes et de mettre la vérité au grand jour. C’est M. Déyeux qui a rédigé le rapport ; il nous suffit de nommer ce chimiste pour annoncer qu’il a satisfait au vœu de la classe, et répondu à l’attente du public. Ce rapport a été publié à part des Mémoires de l’Institut.

Il n’est pas douteux que la betterave, cultivée au midi de la France, deviendroit susceptible de fournir une plus grande quantité de sucre, sur-tout si c’étoit dans un fond sablonneux, le plus propre à la génération de l’un de ces matériaux immédiats des végétaux ; et si, dans les autres variétés de cette plante, on choisissoit de préférence la jaune de Castelnaudari, qui, à plus juste titre que la betterave champêtre, mérite le nom de betterave à sucre, en supposant que, toutes choses égales d’ailleurs, elle produisît autant de racines, et ne coûtât pas plus de frais de culture.

Mais il faudroit, avant d’entreprendre un travail de cette importance, s’assurer par des essais préliminaires, du résultat effectif qu’on obtiendroit ; car on sait que le sucre, considéré comme un des matériaux immédiats des végétaux, existe