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où la saveur qu’on lui connoît se manifeste. Il n’est pas nécessaire, pour s’assurer de sa présence dans un corps quelconque, qu’on puisse l’en retirer sous forme sèche et cristallisé. L’état concret n’est le caractère distinctif que d’une partie de celui qui abonde dans le nectaire des fleurs, dans la sève des frênes et des mélèses de la Sicile, dans celle de l’érable de l’Amérique, dans les sucs des fruits, des tiges et des racines, souvent même dans le sucre de la canne non parvenue à une maturité convenable ; en sorte qu’outre les autres principes immédiats auxquels celui du sucre est plus ou moins fortement uni, il a reçu dans chacun des modifications différentes, tant de la puissance qui y réside et qui concourt à sa fermentation, que de tous les agens extérieurs qui influent sur son élaboration.

Sans parler des espèces ou variétés de canne qui peuvent fournir plus ou moins de sucre, dans un état plus ou moins libre, plus ou moins parfait, nous observerons que les circonstances de la saison et la qualité du sol doivent nécessairement avoir aussi de l’influence sur ce produit. M. Rigaud a remarqué que lorsque la plante est coupée verte, a peine en offre-t-elle quelques atomes ; que les cannes qui croissent d’une manière fougueuse dans les terres neuves à Saint-Domingue, ne donnent que du mucoso-sucré, de même que celles qui, dans certains cantons, n’atteignent pas le maximum de leur végétation.

L’Égypte nous offre encore un exemple frappant des différences essentielles que présentent les résultats de cet important graminée. Selon la remarque de M. Boudet, membre de l’Institut du Caire, on cultive la canne à sucre dans toute l’étendue de cette contrée ; elle donne de beau sucre dans le Saïd. Elle est déjà beaucoup moins savoureuse au Caire, où, au lieu de l’exprimer, on se contente de la manger ; enfin, du côté de Rosette, il y a bien quelques sucreries, mais on n’en retire que de la mélasse.

Il faut donc convenir que le sucre sec et cristallisable est le produit de la matière complète de la canne ; et que, partout où cette plante ne produit que du mucoso-sucré, c’est que sa végétation n’a pas été achevée dans le cercle qu’elle doit parcourir, soit à défaut d’une chaleur suffisante et continue, soit à raison de quelques circonstances locales de saison ou de qualité de terrain ; car il est démontré que les végétaux, dans lesquels le sucre forme un de leurs matériaux immédiats, en fournissent d’autant plus, qu’ils se trouvent placés à une bonne exposition, et cultivés dans un sol sablonneux, le plus propre à la génération du sucre.

Dans l’intention de connoître l’influence du sol sur les plantes qui contiennent du sucre, et s’il ne seroit pas possible d’augmenter, par la culture, la quantité de ce qu’elles en fournissent naturellement, M. Déyeux a semé de la graine de betterave champêtre dans une portion de terre neuve de son jardin ; il en a formé deux carrés : l’un a été parfaitement fumé et arrosé ; l’autre, au contraire, n’a recu que les façons ordinaires. Les plantes venues dans le premier carré étoient ; extrêmement vigoureuses ; mais, lorsqu’il fut question d’en examiner les racines, il observa qu’elles avoient une saveur amère, que leur chair étoit humide et visqueuse, et qu’elles ne produisoient ni sucre, ni mucoso-sucré, tandis que celles du second carré, sans avoir été fumées, ni arrosées, se sont trouvées être plus compactes, et réunir, quoique moins grosses, toutes les conditions qui leur appartiennent essentiellement ; ce qui s’accorde assez bien avec l’opinion dans laquelle nous sommes, que, dans l’exploitation d’une ferme, c’est toujours le terrain le moins fort et le plus meuble