Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/332

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non seulement tentés de nos jours, mais encore mis en pratique avec persévérance et succès.

C’est en Angleterre que la plantation du blé a pris naissance, et qu’elle a été substituée à la méthode universellement répandue, de semer ce grain à la volée. L’on sait qu’assez généralement l’agriculture est poussée, dans ce pays, à un haut point de perfection, quoique, dans plusieurs cantons, elle y soit encore dans un état de langueur, et livrée aux vieilles habitudes d’une routine aveugle. Mais, dans les endroits où elle est florissante, elle y a acquis une sorte de luxe qui la rend très-prospère et très-brillante. C’est un fait incontestable, reconnu par tous les observateurs impartiaux, énoncé par tous les écrivains dont la plume ne glisse point au gré des circonstances, qu’il n’y point d’inconvénient à redire, et même qu’il est bon de répéter quelquefois, afin d’encourager nos cultivateurs, et de les engager à profiter de tous les élémens de prospérité que le climat et le sol de la France ont mis à leur disposition, pour égaler, surpasser même leurs voisins et leurs rivaux, comme notre industrie les a déjà surpassés en plusieurs autres points d’une grande importance.

Les premières expériences que l’on connoisse, sur la plantation du blé, sont dues à M. Carter, cultivateur anglais ; et elles eurent lieu en 1782. Un terrain de trois acres, sur lequel du trèfle avoit mal réussi, fut labouré vers le milieu de l’été, et couvert de fumier, au commencement d’octobre, dans la proportion de vingt charretées par acre. On répandit, à la main, suivant la méthode ordinaire, un boisseau de graines par acre, laquelle tomba principalement dans les sillons ; ensuite, avec une petite boue, l’on fit un rang de trous, à trois ou quatre pouces de distance, au milieu de chaque plate bande ménagée à cet effet. Le blé fut mis dans ces trous par des enfans, pour le prix de deux picotins par acre, et l’on hersa. Cette plantation coûta cinq schellings par acre, et auroit pu n’en coûter que quatre : si l’on déduit de cette somme deux schellings six deniers, valeur de la quantité de semence épargnée, la dépense de la plantation ne sera plus que de dix-huit deniers par acre. Le blé, tant semé que planté, germa très-bien ; le premier parut plus vigoureux pendant l’hiver et au printemps ; mais en été, le second, c’est-à-dire le blé planté, obtint la supériorité, résista beaucoup mieux à la sécheresse, et donna une plus belle récolte. Le produit des trois acres de terre surpassa d’un quart celui des autres terrains de la même nature.

M. Carter se servit ensuite d’un plantoir ordinaire qui simplifia l’opération ; puis il mit en usage une machine, dont on se sert dans son canton, pour planter les pois. C’est un morceau de bois, de quatre pieds de longueur, et assez fort pour supporter dix dents de fer, façonnées en cônes, longues de quatre pouces, et éloignées de cinq l’une de l’autre ; une poignée est adaptée pour enlever de terre la machine, lorsque les dents ont fait les trous. Avec ce plantoir, ou forme deux rangs de trous dans chaque sillon ; mais M. Carter voulut que l’ouvrier qu’il employa n’en fît qu’un dans le milieu, ce qu’il effectua en marchant en arrière, et ayant le sillon entre les jambes. L’opération du planteur fut prompte et facile ; il avoit un schelling par acre, et, à ce prix, il gagna plus d’un demi-écu dans sa journée. À la récolte, le nombre des gerbes fut supérieur à celui que donnèrent des champs de blé, semés à la volée, avec beaucoup de soins. Les moissonneurs supputèrent que douze gerbes de blé planté devoient donner un boisseau de grains, ce qui procure un avantage de trois picotins par perche, ou trois boisseaux par acre, en faveur de la méthode de planter, sur celle de semer à la volée.