Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/335

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les blés versent beaucoup moins ; le tuyau de la paille est seulement un peu plus dur. Un homme et quatre enfans plantent, à Liancourt, de soixante-dix à quatre-vingts perches ; si l’on réduit leur travail à cinquante perches, ils planteront un arpent en deux jours : l’homme gagne vingt-cinq sous, et chaque enfant six sous. C’est donc à cinq livres par arpent que se portent les frais du plantage.

J’ai dû m’étendre au sujet d’une pratique nouvelle ; j’ai tracé rapidement son origine, ses progrès, ses procédés : pour remplir pleinement ma tache d’historien, je dois encore parler de ses contradicteurs.

Des réclamations en faveur de la méthode ordinaire d’ensemencer les champs, et des objections contre le plantage des grains se sont élevées, presque au sein même des opérations de M. Liancourt. Un cultivateur très-instruit et très-expérimenté a prétendu que les heureux résultats du plantage ont été exagérés. Voici les faits que M. Isoré présente en faveur de son assertion, et je le laisserai parler lui-même,

« En l’an 7, une partie de terrain de la contenance d’un hectare quatre cinquièmes, cultivée d’après la méthode française, et par les soins de l’économe de l’école nationale de Liancourt, a produit 1,042 gerbes de blé, desquelles il est sorti soixante-quinze quintaux de blé battu ; a la récolte dernière cette même partie de terrain, cultivée et plantée à l’anglaise, n’a rendu que deux cent soixante-dix gerbes, qui donneront tout au plus vingt-cinq quintaux de blé ; et cependant cette pièce de terre avoit été sarclée et binée au printemps. On pourroit observer encore que, malgré ces deux opérations importantes, qui n’ont jamais lieu en cultivant et semant à la française, le terrain en question est empoisonné par une quantité de chardons qui le couvrent à présent, et que le tort qui menace les voisins de cette dangereuse pépinière sera incalculable à l’avenir.

» En l’an 8, deux cultivateurs de Liancourt, après avoir cultivé à la bêche, et semé à la volée, ont récolté, sur quarante ares de terre, quatre cents gerbes de froment de la meilleure qualité ; dernièrement, ce même terrain n’a produit que soixante gerbes de blé sans qualité, quoique cultivé et planté à l’anglaise.

» Il est vrai qu’on a vu, en l’an 9, à Liancourt, de fort beau blé planté dans un grand potager, et qu’on y a eu le même spectacle, en l’an 10, sur un défrichement de bois : mais, sur de pareils terrains, la nature n’a presque pas besoin de l’industrie humaine ; là, toute espèce d’expérience réussira toujours. Ceux qui ont une foible idée seulement de l’agriculture savent que les terres extraordinairement fécondes, à cause des résidus végétatifs qu’elles se sont appropriés de longue main, ne peuvent être comparées avec celles que l’on force de produire, sans relâche, des plantes annuelles. Ces dernières exigent tous les soins et les plus grands efforts, si l’on veut en obtenir la subsistance commune. » (Lettre de M. Isoré, datée de Louveaucourt, le 1er complémentaire an 10, et insérée dans le Journal de Paris, et dans d’autres ouvrages périodiques.)

Une voix imposante s’est encore fait entendre au désavantage du plantage du blé ; c’est celle de M. Arthur Young, illustre agriculteur anglais. Il voulut faire la comparaison des deux méthodes, de la plantation et du semis. Le sol qui servit à son expérience étoit un sable gras et humide, sur un fond d’argile ; il le divisa en deux billons, également relevés dans le milieu, et exactement d’un demi-acre chacun. Le grain planté étoit à trois pouces environ de profondeur,