Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/336

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et disposé par rangées espacées de neuf pouces. Au commencement du mois de mai, le billon consacré au plantage fut biné, et ensuite sarclé ; celui sur lequel le blé avoit été semé à la volée ne reçut aucune culture ; il n’y avoit pas même de mauvaises herbes à arracher : le blé planté fut fort attaqué de la carie ; l’autre en étoit absolument exempt : le premier produisit cent vingt-une gerbes, qui rendirent une quarte trois boisseaux, tandis que l’on récolta cent cinquante-une gerbes de blé semé, lesquelles donnèrent une quarte et plus de six boisseaux de grain. Du reste, M. Arthur Young ne se permet pas de rien conclure de cette seule expérience, qui est en opposition avec plusieurs autres ; et il conseille de recourir à d’autres observations, avant d’asseoir un jugement certain.

Le mien est tout formé à cet égard ; je l’appuie même sur les faits que je viens de rapporter, et dont plusieurs paroissent contradictoires, quoiqu’il ne soit pas impossible de les concilier. Pour peu que l’on ait observé la manière dont croissent les plantes qui couvrent les campagnes, l’on a vu celles qui ont été dispersées plus également, et plus profondément enfouies, étendre leurs racines, se parer de tous les signes d’une brillante végétation, et se charger des plus beaux fruits. Sous ce rapport, le plantage du blé est une opération très-utile. Ajoutez l’économie qu’elle procure dans la semence ; point important pour l’intérêt général et privé, sur-tout dans les années où les grains sont peu abondans. Un autre avantage encore, dont personne n’a parlé, c’est la certitude que les touffes de blé, plus fortement implantées dans la terre, ne seront point déracinées pendant l’hiver, lorsqu’une forte gelée succède subitement à de longues pluies qui ont imbibé le sol. En voilà assez, sans doute, pour recommander à tous les cultivateurs le plantage du blé, si, à côté de ces avantages vraiment précieux, on ne rencontroit plusieurs inconvéniens qui, le plus souvent, en rendent l’exécution plus onéreuse que profitable, plus embarrassante que facile.

Ce sont, 1°. les frais de la plantation. Ils ne peuvent manquer de devenir considérables, quand l’on a de grands terrains à ensemencer, particulièrement de nos jours, où les ouvriers sont rares dans les campagnes, et où la main-d’œuvre est par conséquent à un haut prix. Les enfans, que l’on conseille d’employer, coûteront moins, à la vérité ; mais on n’en obtiendra assez ordinairement qu’une mauvaise besogne, si l’on ne paie encore des surveillans qui suivent pas à pas, et contiennent ces jeunes aides qui, pour la plupart, nés au sein de la licence, sont indociles, enclins au mal, et difficiles à morigéner.

2°. Le temps que la plantation consomme. Il manque souvent dans la saison des semailles, la plus pressante de l’année agricole. Si les intempéries de l’atmosphère viennent alors à contrarier le laboureur, il a beaucoup de peine, à terminer ses travaux ; que seroit-ce, s’il se livroit à un mode d’ensemencement, beaucoup moins expéditif que celui dont il fait habituellement usage ? D’ailleurs, la durée du travail doit être portée en compte dans le chapitre des dépenses ; et celle-ci est d’autant plus forte, que le temps employé à faire une chose qui n’étoit pas indispensable, a obligé de négliger des opérations nécessaires.

3°. Les frais de culture. Le blé planté reste clair et maigre pendant tout l’hiver et le printemps ; les chardons et les autres plantes nuisibles peuvent croître en pleine liberté entre ses rangées, et leur destruction exige un binage au printemps, et quelquefois encore un sarclage. Ces deux cultures ne sont point nécessaires dans les champs ensemences dont les plantes très-serrées permettent rarement la végétation de celles qui gâtent les moissons.

4°. Le danger de la carie. Il est reconnu