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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/348

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dont l’un, le domaine, les ménageoit à trois cents ans, sans égard aux essences ni à la qualité du terrain ; et les deux autres, le clergé et les communes possessionnées, étoient obligés d’en conserver sous le titre de quart de réserve, mais obtenoient trop souvent de les couper à des âges souvent plus rapprochés que celui de leurs coupes ordinaires ; en sorte qu’en général on ne laissoit pas croître assez long-temps les futaies pour en obtenir des arbres de grosseur convenable pour les grandes constructions, ou, lorsqu’on les laissoit vieillir jusqu’à trois cents ans, le plus grand nombre de ces arbres étoit taré ou du plus mauvais service.

En troisième lieu, si les arbres de ces vieilles futaies acquièrent quelquefois en moins de temps les grosseurs requises, pour les grandes constructions, ce n’est que par la destruction des essences qui les avoisinent ; et il en résulte de grands vides qui diminuent tellement les produits de ces vieilles futaies, qu’en définitif elles donnent un revenu bien inférieur à celui qu’on en retireroit dans un aménagement plus rapproché.

Le peu de valeur des futaies du domaine, aménagées à trois cents ans, en est la preuve.

Ces vices des vieilles futaies doivent donc faire rejeter ce genre d’aménagement, et nous avoient déterminés d’abord à en proposer la suppression ; mais en y réfléchissant davantage, nous avons apperçu le moyen d’en retirer le plus grand produit, en les administrant d’une manière convenable.

§. III. Futaies pleines éclaircies. Les futaies pleines que nous proposons d’établir, doivent être choisies et administrées de manière que, dans le moins de temps possible, elles rendent en matières le plus grand produit.

Pour y parvenir, il faut choisir parmi les bois de la cinquième classe, et subsidiairement dans les meilleurs fonds de la quatrième, ceux qui seront les plus âgés, et meublés des meilleures essences.

Ces bois doivent être en pièces, au moins de trente à cinquante arpens, isolées ou non.

Il seroit mieux qu’elles fussent isolées, ou au moins placées sur les extrémités d’une forêt, afin de ne pas déranger l’aménagement de ses triages.

Ensuite, pour accélérer l’accroissement de ces futaies, il faudra procéder à un éclaircissement périodique, que l’on peut déterminer ainsi qu’il suit[1] :

(Nous supposons que la partie choisie pour être mise en futaies pleines est âgée de trente ans.)

On fera sur-le-champ un premier éclaircissement tel, que les arbres restans se trouvent espacés d’environ trois pieds trois pouces.

Trente ans après, on fera un second éclaircissement, tel que les arbres soient espacés d’environ six pieds six pouces.

Trente ans après, un troisième éclaircissement tel que les arbres soient espacés d’environ treize pieds.

Enfin, trente ans après, c’est-à-dire à cent vingt ans, on fera un quatrième éclaircissement tel, que les arbres restans soient espacés d’environ vingt-six pieds.

Après ce dernier éclaircissement, il ne restera plus que soixante dix arbres par arpent.

  1. Dans le nouveau Dictionnaire d’Histoire naturelle, qui a paru peu après notre Ouvrage sur les Bois, M. Thouin (article Arbre, Agriculture} conseille aussi des éclaircissemens dans la plantation des futaies. Seulement, il n’en a prescrit que deux : le premier, à quinze ans ; et le second, à trente ans.

    Cette identité d’opinion avec un agriculteur aussi célèbre, est d’un bien grand poids en faveur de nos futaies pleines éclaircies.