Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/381

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appeau, voilà l’écueil inévitable où viennent périr, chaque printemps, une multitude de cailles qui trouvent la mort en courant au plaisir. C’est sur-tout dans cette chasse qu’il convient d’employer des nappes légères, et faites des matériaux que nous avons indiqués plus haut ; car, en tirassant avec un chien, toutes sortes de filets peuvent indifféremment servir. Mais ici, la nappe devant être portée et soutenue sur la sommité des herbes, doit avoir peu de poids pour ne pas trop approcher de terre, et pour que la caille, qui court plus souvent qu’elle ne vole, puisse passer et s’engager sous la bordure du filet sans rencontrer d’obstacle. Lorsque l’oreille dit au chasseur que l’oiseau est sous son piège, il doit se hâter de l’effaroucher, en jetant quelque chose, pour que la caille, cherchant à s’envoler, révèle ainsi l’endroit où elle est parvenue ; alors, encore, il faut y courir et s’en saisir avec une grande prestesse, pour empêcher que le gibier ne continue à se glisser par dessous la tirasse ; ce qu’il fait quelquefois avec beaucoup de rapidité.

Il n’est pas très-rare de prendre des cailles sous le traîneau avec lequel on chasse aux alouettes, et que j’ai décrit à cet article ; mais, si l’on porte exprès ce filet dans un champ où l’on sait que les cailles se remisent, il sera bon de laisser pendre par derrière des bouchons de paille qui, rasant les chaumes, forcent la caille à se lever.

On peut se donner le plaisir de tirer cet oiseau au fusil, en l’attirant avec l’appeau jusque vers quelqu’endroit découvert, où il soit facile de l’apercevoir. L’on s’y tient immobile pour ne pas l’effaroucher, jusqu’à ce qu’il soit à bonne portée. Si l’on a un bon chien, on s’en sert pour se dispenser d’attendre la caille en place découverte, et se procurer la facilité de la tirer au vol. Pour cela, on attache son chien à sa ceinture avec une corde longue de cinq à six pieds ; et, lorsqu’au moyen de l’appeau, la caille est suffisamment avancée, le chien lancé à propos la fait lever ; ce qui donne au chasseur la faculté de la tirer. Mais la manière la plus avantageuse de chasser les cailles au fusil, est celle que l’on suit aux environs de Marseille, lors du départ de ces oiseaux. On a soin, dans cette contrée, de conserver pour cette chasse des appelants ou appeaux vivans, qui sont de jeunes oiseaux pris au filet lors de leur arrivée, et qui se gardent d’une année à l’autre, avec la précaution de ne pas trop les engraisser, et de les priver pour cela de millet. Au mois d’avril, on les aveugle en leur passant légèrement devant les yeux un fil de fer rouge ; au mois de mai, on les plume au dos, à la queue et aux ailes, pour avancer leur mue, mais sans trop les déshabiller ; au mois d’août, on les accoutume à rester dans des cages, et, lorsque l’époque du passage des cailles est arrivée, vers les premiers jours d’octobre, on plante dans les vignes, de distance eu distance, des pieux auxquels on attache de l’un à l’autre d’assez longues planches garnies de clous à crochet pour recevoir ces cages. On proportionne le nombre de ses pieux et de ses planches à la quantité qu’on s’est procurée d’appelants. Ces prisonniers passant la nuit aux vignes, et chantant dès l’aube du jour, attirent autour d’eux les cailles des champs voisins, et les voyageuses. Deux heures après le lever du soleil, un chasseur se rend aux vignes, sans chien, et en bat doucement les bords pour pousser les cailles vers le milieu, et ne pas effaroucher celles qui entourent déjà les cages. Cette première tournée faite, il revient avec ses armes et un chien qui fait lever le gibier, et lui donne le moyen de le tuer à son aise. Cette chasse réussit sur-tout lorsque la mer est calme ; et, si l’on a la possibilité d’enfermer de filets