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l’huile de colza et de navette, et à l’art d’enlever en totalité.

Que d’arbres, d’arbrisseaux et de plantes dont les fruits ou les semences qu’on néglige, soumis au procédé ordinaire, fourniroient de l’huile ! Il en existe déjà plusieurs dont on tire parti depuis peu pour cet objet : dans les environs de Bouillon, par exemple, on obtient de la semence de galeope chanvrin une huile à brûler. Le cornouiller sanguin qui, dans certains cantons de la France, se trouve dans les taillis et sur les bords des fossés, rapporte des baies qui se perdent de toutes parts ; quatre-vingts livres de ces fruits, cueillis à leur point de maturité, ont produit quinze à seize livres d’huile propre à tous les usages domestiques.

L’arachide ou pistache de terre, dont la culture s’est propagée dans le département des Landes avec une rapidité étonnante, et qui fait le plus grand honneur à l’administrateur zélé qui a introduit et encouragé cette culture, aussi bien qu’aux citoyens qui ont secondé ses efforts, par leur empressement à en faire des essais et à rendre compte de leurs résultats ; l’acquisition de cette plante peut devenir une nouvelle source de richesses pour plusieurs de nos cantons méridionaux.

Nous n’avons qu’à vouloir, pour étendre la culture des plantes reconnues propres à donner de l’huile, pour multiplier leurs espèces, et nous dispenser d’aller au loin chercher à grands frais une matière si essentiellement nécessaire à l’économie domestique et aux arts de premier besoin. Peut-être qu’en nous attachant seulement à la nombreuse quantité de plantes crucifères, en découvririons-nous quelques unes dont la semence posséderoit des propriétés particulières aux localités. La graine de julienne, dont la culture est si facile, produit une grande quantité d’huile.

Les essais tentés eu dernier lieu sur le cresson alénois, en sont une preuve manifeste. Cette plante ne demeure en terre que pendant trois mois ; elle foisonne beaucoup en graine qui, mûrissant tout à la fois, n’est mangée ni par les rats, ni par les oiseaux, et ne se répand pas d’elle-même sur les champs ; ce sont autant d’avantages que ne partagent point les semences des raves et des choux ; l’huile qu’on en obtient peut servir à soutenir la concurrence avec les meilleures pour l’éclairage, les fritures, et le travail des laines ; enfin, la paille du cresson alénois réunit la ténacité, la souplesse du sparte, et peut être employée à quelques ouvrages de ce genre.

Toutes les plantes dont les semences sont dicotylédones, renferment plus ou moins d’huile ; ce seroit en vain qu’on voudroit tenter d’eu extraire des monocotylédones, parce qu’elles ne fournissent que des fécules ; mais le moyen le plus vulgaire pour s’assurer que telle ou telle graine peut donner de l’huile par expression, consiste à l’écraser dans un mortier avec un peu d’eau, qui alors devient laiteuse, et présente une sorte d’émulsion ; on peut compter dans ce nombre les semences du pedane acanthin, de la jusquiame noire, de la digitale pourprée, de la cynoglosse officinale, du cresson à petite fleur, de la gaude, et d’autres, dont on pourroit tirer parti, toutefois en les cultivant ; car, nous le répétons, les végétaux qui croissent spontanément ne seront jamais que des ressources précaires, lorsqu’il s’agira de remplacer ceux qui couvrent une certaine étendue de terrain. Tenons-nous en aux plantes qui nous sont les plus connues, cultivons-les bien, soignons leurs récoltes, accordons surtout plus d’extension à celles pour lesquelles le sol et le climat de la France sont si favorables ; nous ne serons plus obligés alors de tirer de l’étranger, pour des sommes exorbitantes, de la graine et de