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Il n’y a point de nation qui ne fasse un commerce de canards, d’autant plus lucratif, qu’ils s’accommodent de tout, ne sont pas susceptibles de maladies, et que, s’ils muent comme les autres oiseaux de la basse-cour, cette crise périodique leur est moins funeste ; elle ne dure quelquefois qu’une nuit.

Les Chinois, sur-tout, sont ingénieux pour les élever. Beaucoup ne vivent absolument que de ce commerce. Les uns achètent les œufs, et les vendent ; les autres les font éclore dans des fourneaux, et trafiquent leurs couvées : il y en a enfin qui s’appliquent uniquement à élever les canetons.

Quelques Anglais, à l’imitation de ces peuples, se sont aussi attachés à perfectionner cette éducation. Leur méthode consiste à entretenir un petit nombre de vieilles canes, et à donner les œufs à couver à une poule, pendant huit à dix jours seulement, après quoi ils les enterrent dans du fumier de cheval, ayant soin de les retourner sens dessus dessous, de douze en douze heures, jusqu’à ce qu’ils soient éclos.

C’est ordinairement depuis le mois de novembre jusqu’en février, qu’on les apporte à Paris, plumés et effilés, pour les mieux conserver. Le canard de Rouen payoit aux entrées le double de ce qu’on exigeoit pour le canard barbotier. Cette différence ne venoit pas seulement de son volume, qui est en effet plus considérable, mais encore relativement à la qualité de sa chair plus estimée ; le premier se rapproche de la volaille de ferme engraissée, et le second tire sur le gibier aquatique et sauvageon.

Les canards de la grande espèce sont plus beaux dans la Normandie, que dans tout autre canton de la France. Les Anglais viennent souvent en acheter de vivans, dans les environs de Rouen, pour en enrichir leurs basses-cours, et perfectionner leurs espèces dégénérées ou abâtardies : ils les mettent dans des parcs clos, pour procurer à l’opulence les plaisirs d’une chasse exclusive.

Les canards alors sont un commerce pour les capitaines caboteurs de cette nation, qui, en passant pour retourner chez eux, les vendent aux riches propriétaires, assez sages pour résider dans leurs domaines. Le profit des exportateurs dépend de la brièveté et du beau temps de leur trajet, qui préviennent plus ou moins la mortalité de leurs passagers.

Le canard d’Inde ou de Guinée est un assez médiocre manger, à cause de la forte odeur de musc qu’il répand.

Il faut lui supprimer, lorsqu’il est tué, le croupion, qui est le foyer où réside cette odeur ; les métis la perdent presque entièrement : peut-être est-ce cette odeur qui empêche que les canards domestiques mâles ne s’apparient avec les canes musquées.

Au reste, les œufs, la chair, les plumes et la fiente des canards sont un assez bon revenu de la basse-cour, pour fixer l’attention des fermiers dans les cantons où les prairies, jointes à l’humidité du sol, peuvent favoriser l’éducation de ces oiseaux, et devenir une branche essentielle d’industrie agricole pour leurs habitans. (Parmentier.)


CANARD SAUVAGE, (Anos boschas Lin.) C’est la souche des nombreuses tribus de canards qui peuplent nos basses-cours. Les ornithologistes rangent ces oiseaux dans le genre du même nom, dont les caractères sont : le bec lamelleux, dentelé, convexe et obtus ; les narines ovales ; la langue ciliée et obtuse ; les pieds palmés ; les trois doigts antérieurs unis par des membranes entières, et celui de derrière dégagé. Ce genre fait partie de l’ordre des oiseaux palmipèdes, qui ont le corps à peu près conique, un peu comprimé sur le plan vertical, et les