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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/402

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à l’article de cet oiseau. Les nappes à canards ne diffèrent de celles-ci qu’en ce que le filet a plus d’ampleur, que la maille en est plus grande, el le fil, comme on le sent, beaucoup plus fort. Leurs dimensions ordinaires sont de trente pieds sur sept ; elles sont enfermées d’une corde de la grosseur de celles employées au mouvement des jalousies. Les guèdes ou guides sont quelquefois de fer, ou, si elles sont de bois, elles doivent être garnies de plomb, tant pour les forcer à se rabattre dans l’eau, où on les tend, que pour opposer une résistance suffisante aux canards qui, pris plusieurs à la fois, pourroient soulever le filet dont ils sont couverts, et qui doit être pour eux le drap mortuaire. C’est aussi pour la même raison qu’on doit arrêter avec des piquets à crochet, ou tout au moins garnir aussi de plomb, la lisière du filet tendu entre les deux piquets employés à lui l’aire exécuter le mouvement de rotation, afin que cette lisière, qui reste toujours sous l’eau, touche exactement terre, et ne permette pas aux canards de passer par dessous. Les bonnes places pour faire jouer ces filets sont les prairies noyées, les grèves bien unies, et les bords des étangs. En général, il faut chercher un lieu où l’eau n’ait pas plus de douze à quinze pouces de profondeur ; le moins sera toujours le mieux. Lorsqu’on a trouvé un local commode, et tendu ses nappes de la même manière que celles à alouettes, avec la seule précaution de se munir de piquets plus longs, pour donner à sa machine plus de solidité, on place dans la forme, pour appelants, des canes que l’on attache sur le milieu du corps par un lien qui leur donne la facilité de nager et de chercher au fond de l’eau le grain qu’on leur y jette.

Le nappiste, placé dans une loge préparée d’avance, et bien couverte, pour qu’il ne soit pas vu, y tient avec lui des canards mâles, et, lorsqu’il entend une bande de voyageurs, il en lâche un des siens qui, attiré par leurs cris, vole à eux pour les rejoindre. Mais bientôt, rappelé ou par la voix, ou par la vue de sa femelle connue, qui nage entre les perfides filets, il y descend, et amène avec lui les passagers que son exemple séduit, ou que les cris des autres femelles appelants invitent à descendre. Dès qu’ils commencent à poser sur l’eau, ou même à approcher de sa surface, c’est le bon moment pour le nappiste de tirer sa corde et de rabattre ses filets : il se hâte alors de se saisir de sa capture, qu’il tue aussitôt, ou du moins il doit avoir des moyens de l’éloigner de lui. Des chasseurs instruits ont remarqué et éprouvé que les cris des canards sauvages, au moment où ils sont prisonniers, sont avertissans pour ceux échappés au filet, ou pour les bandes qui viendroient à passer ensuite, et qu’ils ont un accent propre à éveiller chez leurs camarades l’instinct de la méfiance. Il est utile d’attacher quelque signe au canard privé qui fait l’office de recruteur, pour éviter toute méprise lorsqu’on se saisit de tout ce que les nappes ont enveloppé. Il convient aussi de tenir avec soi plusieurs de ces mâles, car il arrive parfois que le premier auquel on a donné la volée ne revient point, soit que le vent l’empêche d’entendre la voix de sa femelle, soit qu’elle tardé trop à l’appeler, soit enfin pour quelque autre cause que ce soit : dans ce cas, on se hâte d’en lâcher un second et même un troisième, s’il est nécessaire, et l’un ou l’autre finit par remplir le devoir qu’on attend de lui. Les instans propices à saisir pour cette chasses ont ceux ouïes eaux sont troubles, lorsqu’il fait une petite pluie ou un peu de brouillard. Il est encore une manière de prendre les canards aux filets : c’est en se servant d’espèces de grandes nasses, ainsi que cela se pratique sur le bel étang d’Armainvilliers. Cette