Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/414

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l’état de terreau ; mais ce sont sur-tout leurs cendres, et il seroit à désirer que par-tout où il existe des tourbières, on pût en profiter pour suppléer le bois dans les usines et les foyers ; il en résulteroit en même temps un amendement assuré pour les prairies dont l’extension intéresse si directement les cultivateurs, puisqu’elles les mettroient à portée de nourrir un plus grand nombre de bestiaux, et d’augmenter la masse des engrais.

Les cendres de tourbe, semblables à celles des végétaux dont elles sont les débris, fournissent, suivant les expériences de Ribaucourt, dix livres par quintal de tourbe, et au moyen de la lixiviation, deux onces de potasse. On en distingue de trois espèces :

La première, à laquelle on donne avec raison la préférence, provient de la tourbe la plus compacte et la moins terreuse : elle est pesante et d’un jaune foncé ; on la retire des fourneaux des chapeliers, teinturiers, brasseurs, etc., qui font usage de la tourbe sous leurs chaudières. Sa couleur foncée est due au fer qu’elle contient, et au recuit qu’elle a éprouvé.

La seconde espèce est d’un jaune moins intense, plus légère et moins recuite que la précédente ; elle, appartient à une tourbe moins choisie.

La troisième est encore plus légère, presque blanche : c’est un mélange de cendres de foyers produites par les tourbes les plus communes, et de cendres de bois ; beaucoup moins recherchée que les deux autres, elle est aussi inférieure en prix.

On pourroit former une quatrième espèce de cendres de tourbe, en distinguant celle que font les tourbiers avec les grumeaux et poussiers ; cette dernière, faite avec soin, ne diffère en rien de la seconde. La couleur et la pesanteur, le toucher doux, une saveur légèrement saline, sont les qualités auxquelles il faut principalement s’attacher dans le choix de la cendre de tourbe. On juge aisément par l’expérience, et avec un peu d’attention, si, pour en augmenter le poids, les marchands de tourbes n’y ont point ajouté du sable.

Comme il existe plusieurs cantons en France où, malgré la facilité de se procurer des cendres de cette nature, elles ne sont pas autant recherchées qu’elles mériteroient de l’être, cette sorte d’indifférence ne pourroit-elle pas venir de l’incertitude ou l’on est sur la qualité du sol des espèces de végétaux qui réclament le secours d’un pareil engrais ? Peut-être aussi aura-t-on eu l’imprudence d’en mettre trop à la fois, d’où l’on a conclu que non seulement les cendres retiroient la végétation, mais qu’elles l’empêchoient absolument ; peut-être encore la quantité en aura été restreinte de manière à n’obtenir que peu ou point d’effet. Mais, sans pousser plus loin l’examen des causes qui ont empêché jusqu’à présent d’adopter par-tout les cendres de tourbe comme engrais des terres fortes et humides, bornons-nous à indiquer quelques règles générales, d’après lesquelles on doit se déterminer sur la proportion qu’il faut en employer, sur la saison où il convient de les répandre, et enfin relativement à leur manière d’agir sur les terres et sur les prairies.

Quantité de cendres à répandre. Elle est relative à la qualité des cendres, à celle du terrain et des productions. Il est plus prudent de la fixer par des essais dans les endroits où l’usage de cet engrais est une nouveauté. On ne peut donc établir à cet égard que des généralités ; ainsi, on dira : 1o. qu’il faut trois setiers environ, mesure de Paris, de cendres de tourbe pour un arpent de terre labourable ou de prairies ; 2o. que la même étendue de terrain n’exige que la moitié de cendres rouges, ou houille d’engrais.