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Saison pour répandre les cendres. Elle varie suivant la nature du sol et celle des productions qu’il doit rapporter. Si c’est une terre légère, il seroit bon, 1°. d’en répandre, sur le pied d’un setier par arpent, au commencement de février et avant le labour ; 2°. une pareille quantité, après que les grains auront été semés. Si la terre, au contraire, est compacte, et qu’elle retienne l’eau à sa surface, on pourra l’employer également, avec l’attention seulement d’augmenter les doses suivant le besoin, et de ne faire usage des cendres que dans un état très-sec. On observera cependant, dans le premier cas, c’est-à-dire lorsque le terrain est sec, d’attendre, pour jeter les cendres qui doivent rester à la surface du terrain, qu’il fasse un temps de brouillard, ou qui promette une pluie prochaine.

Quant à la manière de répandre les cendres, elle n’est pas sans inconvéniens ; mais le semeur s’en garantira aisément en se couvrant le visage d’une toile très-fine, et en semant contre le vent. Quelques personnes ont conseillé de semer sous le vent, c’est-à-dire de jeter l’engrais du côté où le vent pousse ; mais l’expérience n’a pas tardé à démontrer que la première de ces pratiques est préférable.

Effets des cendres sur les terres. Les engrais, considérés en général, ont deux manières d’agir sur les terres. Mêlés en différentes proportions, ils leur donnent la faculté de les rendre perméables à l’eau, et aux racines de suivre le cours entier de leur développement, ou bien ils procurent du liant et de la soudure aux molécules terreuses trop divisées, et empêchent l’eau de se perdre dans les couches inférieures, et les racines de se dessécher. Or, les cendres, par leur sécheresse, la ténuité de leurs parties, la propriété qu’elles ont de s’emparer avidement de l’humidité, de la retenir d’une manière très-divisée, conviennent aux terres compactes et glaiseuses, dont elles diminuent la viscosité en s’insinuant dans leur texture tenace, à la manière des coins. Ainsi cette humidité, réduite en surface, humecte toujours le pied de la plante, sans jamais la noyer. Lorsque les cendres ont produit un effet différent, c’est qu’elles étoient trop chargées d’alcali, qu’on n’en a point borné la proportion, et que le sol sur lequel on les a répandues n’avoit point assez d’humidité pour brider leur action ; car, disséminées sur des terres froides, et enterrées par la charrue avant les semailles, elles sont, comme la chaux, d’une grande utilité. Nous observerons même qu’on pourroit les employer dans un sol léger et sablonneux ; mais ce ne seroit qu’autant qu’elles se trouveroient associées avec une certaine quantité d’argile, comme on mêle souvent la chaux avec le fumier pour augmenter l’effet de ce dernier.

Effets des cendres sur les prairies. Les heureux effets des cendres, attestés par leur utilité sur les prairies, viennent à l’appui de nos observations. L’alcali et la terre calcaire qui s’y trouvent contenus, sont, dans la juste proportion, nécessaires pour détruire les mauvaises herbes, et favoriser l’accroissement des bonnes ; mais est-ce bien à la causticité que ces deux substances acquièrent par la calcination, qu’on peut attribuer un pareil effet, comme on le prétend ? c’est ce qui ne paroit pas vraisemblable. Si les cendres les plus riches en alcalis et en terre calcaire approchant de l’état de chaux, pouvoient, dans ce cas, avoir une action corrosive, sans doute elles l’exerceroient sur toutes les plantes, et il arriveroit nécessairement que, malgré la différence de leur tissu, il n’y en auroit aucune qui ne fut plus ou moins attaquée et détruite ; or, cet effet n’a point lieu.

Les cendres agissent d’abord mécani-