Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/485

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deviennent plus fermes ; que d’ailleurs les truies donnent, avant qu’on les tue, plus de petits ; que le lard n’en vaut pas mieux, sur-tout quand on n’attend pas trop long-temps pour les mettre à l’engrais. C’est à l’expérience et à l’observation à justifier la vérité de toutes ces assertions.

Second moyen d’engrais. L’automne est ordinairement préférée pour l’engrais des cochons ; ce n’est pas seulement par la raison qu’il y a alors beaucoup de fruits sauvages dont on ne tireroit aucun parti, que les débris des récoltes, les balayures et les criblures des greniers sont plus communes ; mais cette saison est celle que la nature semble avoir affectée plus spécialement au domaine de la graisse. La disposition à l’engrais semble être favorisée par le temps sombre et les brouillards ; la transpiration arrêtée paroît se changer en graisse, l’air rafraîchi la laisse mieux croître que le chaud ; d’ailleurs, l’engrais des cochons étant terminé ordinairement pour l’hiver, c’est dans cette saison que généralement on fait les salaisons ; ce sont du moins les meilleures, et celles qui se conservent le plus long-temps en bon état.

Troisième moyen d’engrais. Une troisième condition pour concourir à accélérer l’engrais des cochons, et conséquemment épargner des frais, c’est de les tenir constamment dans un état de propreté et de repos qui les provoque au sommeil ; il faut éloigner des étables les grogneurs qui, les empêchant de dormir, retardent singulièrement l’engrais, quand on les surchargeroit de nourriture.

Une longue expérience a appris aux Américains que l’usage du soufre, mêlé avec l’antimoine, donné de temps en temps aux cochons, leur est extrêmement utile, parce que ces deux ingrédiens les purgent insensiblement et les entretiennent dans un état de perspiration qui les dispose à engraisser.

La farine d’ivraie, mêlée à l’eau de son, est le narcotique assez généralement conseillé et usité pour porter les grogneurs au sommeil ; ailleurs, on est dans l’habitude d’associer à leur mangeaille ordinaire tantôt un peu de semence de jusquiame, et tantôt celle de stramonium, ou pomme épineuse ; il y a certains endroits où on leur casse les dents incisives, et d’autres où on leur fend les narines, dans la vue toujours de prévenir leur agitation, de rendre leurs dégâts moins fréquens, et de les faire arriver plus promptement à l’état désiré ; enfin, pour disposer plus promptement encore les cochons à prendre la graisse, une saignée est quelquefois à propos ; mais l’essentiel, ou le répète, est qu’ils soient tenus proprement, qu’ils aient une litière renouvelée fréquemment, et qu’ils soient placés à l’abri de la lumière, du bruit, et de tout autre objet capable d’émouvoir leurs sens.

Quatrième moyen d’engrais. Une autre condition pour engraisser les cochons destinés à fournir le petit salé et le lard, c’est de leur dispenser la nourriture, ainsi que la boisson, sous des formes convenables et à des heures réglées ; il faut donc, sur toutes choses, ne pas oublier de les y disposer, en ne les nourrissant d’abord que foiblement les deux ou trois premiers jours qui précèdent leur entrée sous le toit pour n’en plus sortir : ce préparatoire excite la faim chez ces animaux, distend leurs viscères, les détermine à manger plus goulûment ; mais aussitôt qu’ils laissent de leur mangeaille et que leur appétit diminue sensiblement, ils ne tardent guères à réunir toutes les qualités nécessaires, pour le but qu’on se propose ; il ne faut pas différer de les tuer.