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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/496

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avec la terre, pourroient tourner au profit d’une récolte, tandis que le résidu acquerroit insensiblement, par celle qui leur succède, le caractère et la forme qu’on a intention de lui procurer, lorsqu’on le dessèche insensiblement à l’air libre. C’est ainsi que les Flamands usent de cet engrais pour la végétation du colza, qui est pour leur canton une branche d’industrie agricole et commerciale très importante. Jamais ils n’ont remarqué que la sève ait charrié les principes de sa mauvaise odeur, et que l’usage des fourrages, soit verts, soit secs, provenant des terres fumées de la sorte, parût déplaire à leurs bestiaux. Les excrémens de tous les animaux, préjudicieront aux plantes, s’ils leur sont appliqués avant d’avoir jeté leur feu, et rien ne seroit plus imprudent que d’en mettre une certaine quantité dans le bassin où l’on puise l’eau, pour hâter les semis et les plantations : malheur au jardinier, s’il n’est très-économe de cet engrais ! il paiera bien cher sa prodigalité, parce qu’en tout l’excès du bien devient un mal.

On ne sauroit donc se refuser à croire que les matières fécales ne soient, pour les terres fortes et argileuses, et pour la plupart des productions, un engrais avantageux. Plusieurs siècles d’une expérience heureuse, l’exemple d’une certaine étendue de pays où l’agriculture prospère, l’intelligence bien connue des fermiers flamands ; voilà des considérations qui doivent triompher des préjugés élevés contre l’usage de cet engrais. En supposant que les mauvais effets qu’on lui a attribués, dans l’état où il se trouve lorsqu’il sort des latrines, ne soient pas l’ouvrage d’une imagination préoccupée, nous pensons qu’il aura été employé sans précaution, outre mesure, avant la saison, dans un temps peu convenable, sur une nature de sol et pour des cultures qui ne lui sont nullement analogues. Quoique l’expérience ait fait connoître aux Flamands que les matières fécales, dans leur état naturel, ont plus d’activité que sous forme sèche, cette circonstance n’empêche point que le moyen de les réduire a l’état de poudrette, ne réunisse de très-grands avantages, pour la facilité qu’il offre de transporter au loin une matière qui ne blesse plus les organes, qu’il est possible d’employer à son gré, dans les champs, ainsi que dans les jardins, et dont les effets, comme puissant engrais, ne sont nullement équivoques dans une foule de circonstances. La Société d’Agriculture de Paris, consultée sur rétablissement de ce genre, que M. Bridet a formé à Paris, ne sauroit assez s’applaudir de l’avoir encouragé, parce qu’en le faisant bien connoître elle pourra en déterminer de pareils dans les villes très-peuplées, où les habitans, loin de tirer parti de cet engrais actif, paient souvent fort cher pour s’en débarrasser, tandis qu’ailleurs on y attache un très-haut prix. On seroit étonné, si l’on savoit combien les latrines des casernes de la ville de Lille produisoient autrefois de revenu à celui à qui appartenoit le droit de vendre cet engrais ; mais je suis bien éloigné de croire, en même temps, que les cultivateurs doivent toujours avoir recours à la concentration dont il s’agit, pour l’emploi de ces matières recueillies dans leur canton, Qu’ils imitent les Flamands, en les faisant servir, la première année, à la culture des plantes à huile, à chanvre, à fin ; et la seconde année, à rapporter de beaux grains, d’où résulteroient deux récoltes au lieu d’une seule, sans fatiguer davantage le sol, et en épargnant des frais.

Toutes ces observations sont naturellement applicables à la fiente des oiseaux de basse-ceur, à la colombine, sur-tout, un des plus actifs engrais de cet ordre, qui, réduite également à l’état de poudrette, perd beaucoup de son énergie et n’a pas un effet aussi prolongé que