Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand, avant de s’en servir, on la mêle avec une terre qui partage ses propriétés, ou qu’on l’étend, pendant l’hiver, sur le sol destiné à être ensemencé de chanvre et de lin.

Quelques cultivateurs répandent la colombine sur les pièces de blé, après les gelées ; mais cette méthode ne réussit qu’autant que le printemps est humide et que les terres sont fortes ; car s’il est sec et que le terrain soit léger, cet engrais a des inconvéniens. Il vaut donc mieux l’employer en automne, avant le dernier labour : les pluies modèrent son action.

On a remarqué que cet engrais, qui détruit la mousse, le jonc, et autres plantes nuisibles, avoit cependant un inconvénient pour les prés, à cause des plumes qu’il contient, lesquelles, se mêlant avec le foin, peuvent donner du dégoût aux chevaux, et leur occasionner des toux importunes. Mais il seroit peut-être possible de diminuer cet inconvénient, en répandant, à la main, la fiente de pigeons desséchée, un jour où il feroit du vent, qui emporteroit une partie des plumes au delà de la prairie.

Quelques jardiniers, suivant l’observation judicieuse de mon collègue Thouin, font usage de la colombine dans la composition des terres qui doivent servir à la culture des plantes exotiques, que l’on élève dans des vases ; mais il faut avoir l’attention de ne la faire entrer que dans la proportion d’un sixième, et lorsqu’elle est réduite en terreau, parce que, en l’employant fraîche et dans une quantité plus forte, il seroit à craindre qu’elle ne desséchât les racines des plantes. Suivant l’observation précitée, on se sert encore, dans le jardinage, de la colombine pour diminuer la crudité des eaux de puits, particulièrement pour neutraliser la sélénite qu’elles contiennent quelquefois, et les rendre plus grasses, plus visqueuses et moins susceptibles de s’évaporer. Pour cet effet on jette, au fond des tonneaux qui reçoivent ces eaux, une trentaine de livres de cet engrais, et chaque fois qu’on est sur le point d’arroser, on remue le mélange, afin que l’eau se charge en même temps de cette substance, et la transporte au pied des plantes qui ont besoin d’eau ; ce fluide, ainsi chargé de colombine, est employé dans les potagers, pour arroser les arbres fruitiers qui sont jaunes ou malades ; il produit souvent un très-bon effet.

Il est fâcheux, sans doute, qu’on ne puisse pas se procurer une grande quantité de colombine, et que dans les cantons précisément où son emploi seroit utile, à cause de la nature du sol et des plantes qu’on y cultive, cet engrais soit hors de prix ; ceux qui ont l’occasion d’en avoir ne doivent pas négliger les moyens d’en tirer le parti le plus avantageux. D’abord, il faut prendre garde de le laisser trop séjourner dans le colombier ou dans la volière, parce que ses émanations peuvent avoir une influence malfaisante sur la santé des pigeons, et qu’ensuite cette matière, mise d’avance, pendant l’automne, sur les terres qu’elle est destinée à amender celles-ci s’enrichiroient d’autant des principes que la colombine, exposée à l’air, perd sans profit ; ses mauvais effets trop actifs ne seroient plus alors à redouter.

Or, s’il est quelquefois nécessaire de réduire la colombine et la fiente des autres oiseaux de basse-cour à l’état pulvérulent, pour les rendre plus transportables, plus propres à être disséminées sur les terres, et à se dépouiller des plumes qu’elles pourroient contenir, il faut avouer que, pendant le cours de cette dessiccation lente et spontanée à l’air libre, il est à craindre que l’engrais ne perde beaucoup de sa puissance ; or, en le mélangeant, au sortir du colombier ou du poulailler, avec la terre qu’il doit fumer, ses principes enchaînés pour-