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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/548

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de six à huit œufs d’un blanc jaunâtre, mouchetés de couleur de rouille. Au bout de cinq à six semaines, les petits sont en état de suivre leur mère soit au vol, soit sur les arbres ; ce n’est qu’à leur première mue que les jeunes mâles prennent les couleurs qui les distinguent : jusque là ils ne diffèrent point des femelles par le plumage. On leur donne, dans quelques parties des Alpes, le nom de grianots, que dans d’autres contrées l’on applique aussi aux grands coqs de bruyère lorsqu’ils sont jeunes.

Le petit coq de bruyère est susceptible de domesticité, et l’on peut le regarder comme une conquête à faire pour notre économie rurale. Ce gallinacée, beaucoup moins ennemi de la société que la grande espèce, très-facile à nourrir, puisqu’il préfère à tout les fruits sauvages, offriroit à la consommation une denrée avantageuse ; plusieurs essais faits en France n’ont pas à la vérité réussi ; mais en Suède on est venu à bout de l’élever en servitude, et on l’y voit s’y reproduire et y multiplier. Il n’a fallu pour cela d’autres apprêts que d’enfermer des coqs de bruyère dans une espèce de cabane de cinquante pieds, large de seize, couverte en planches, en y ménageant d’espace en espace des jours où l’on tend des filets.

La première condition à observer pour tenter de nouveau l’éducation de ces oiseaux en France, seroit de ne s’en occuper que dans les cantons montueux et froids, et dont la température convient à cette espèce. Dans les premiers jours de leur naissance, ou nourrit les petits coqs de lait, de gruau, et sur-tout d’œufs de fourmis ; on leur donne ensuite des plantes vertes et toutes sortes de baies. Il faut lier en bottes les plantes qu’on leur présente, et les fixer, en les arrêtant d’une extrémité sous une pierre ou quelque chose de lourd, pour que l’oiseau ne s’épouvante pas lui-même par le mouvement qu’il communique à ce faisceau de verdure, s’il a la facilité de le secouer. Les plantes dont le petit coq de bruyère est friand sont les feuilles et fleurs de la renouée, les feuilles de la mille-feuille, les feuilles, fleurs et tiges de pissenlit, les feuilles et fleurs de la vesce, de la gesse, de l’ers, le trèfle et le laiteron ; plus ces plantes sont tendres, plus il en est avide ; en hiver, il mange les baies du genièvre, les boutons de bouleau, les chatons du coudrier : le saule, la ronce, le cormier, le peuplier, lui abandonnent aussi une nourriture bonne et facile. Pour dernière remarque, il est bon d’observer qu’il faut, lorsqu’on élève ces oiseaux, leur couper une aile pour prévenir leur tentative de fuite que leur inspire quelquefois le retour de l’instinct inné de la liberté.

Chasse du petit coq de Bruyère. Cette espèce, bien plus nombreuse que la précédente, offre aussi une chasse plus abondante ; mais en même temps le moins de rareté de ce gibier lui ôte de son prix, quoiqu’à tout prendre ce soit un très-bon manger.

Comme le petit coq de bruyère se livre à ses amours avec autant de fureur que le grand, il fournit par-là lui-même au chasseur les moyens de le tirer ou même de le prendre vivant. Plus attaché que la grande espèce aux régions froides du Nord, c’est dans la Pologne, la Courlande, la Moscovie, la Norwège, etc. qu’on le chasse avec fruit ; c’est là aussi que cette chasse offre des méthodes plus savantes, des procédés particuliers et qui peuvent servir de modèle aux habitans des régions de la France où se rencontre ce gibier.

Lorsque la saison des amours est arrivée, c’est-à-dire au mois d’avril, ou approche aisément, comme je viens de le dire, les petits coqs de bruyère ; mais cependant voici une ruse décrite dans