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les Actes de Breslaw, qui leur rend plus inévitable encore le danger né pour eux de la seule force de l’instinct qui les domine alors. On se procure un oiseau de cette espèce, empaillé, ou bien on en fabrique un artificiel avec de l’étoffe et autres matières convenables ; on donne à ce simulacre le plus de ressemblance possible pour les formes et les couleurs. Cette moquette s’appelle balvane ; fichée au bout d’un bâton, on l’attache sur les branches de bouleau, arbre dont les petits coqs de bruyère aiment le séjour, et dont ils mandent les boutons et les feuilles : on observe que quand il l’ait du vent on peut tourner contre sa direction les têtes de ces balvanes, si l’air est calme, il faut les diriger en regard les unes vers les autres. Ces moquettes ainsi disposées dans un lieu choisi par les petits coqs pour le théâtre de leurs folies amoureuses, et balancées ou par l’air ou par des fils que tirent les chasseurs cachés dans des huttes, attirent autour d’elles des compagnies entières de ces oiseaux. Ce spectacle les anime et leur fait commencer une mêlée où d’abord ils semblent jouer, mais qui bientôt finit par un combat si acharné, qu’on peut les prendre à la main et sans les tirer. Ceux qui sont ainsi pris s’apprivoisent aisément et en assez peu de temps ; et, l’année suivante, on les fait servir de moquettes vivantes ou appelants.

Cette chasse se pratique tous les jours, le matin avant le lever du soleil, et le soir depuis environ trois heures après midi jusqu’à l’entrée de la nuit.

Après la saison des amours, les petits coqs de bruyère ne se rassemblent plus par instinct, et il faut employer d’autres ruses pour les amener sous le fusil du chasseur. Pour cela, on se réunit en assez grand nombre, et plusieurs personnes à cheval, se développant en cercle dans une partie de bois, poussent vers le centre les oiseaux que leur marche et le bruit de leurs fouets font lever. Ce centre est occupé par le tireur ou les tireurs cachés dans leur hutte de feuillages. Il est plus convenable pour le succès, que cet endroit soit une clairière plutôt qu’un fort trop épais, et que quelques arbres isolés présentent aux coqs le repos qu’ils cherchent, et la facilité de se brancher. Lorsque la vue et les oscillations des balvanes mises en mouvement les ont engagés à s’arrêter au même endroit, on ne doit pas trop se hâter de lâcher le coup de fusil ; il faut au contraire les laisser se livrer à leurs premiers mouvemens, et ne tirer que lorsqu’ils se sont mis à manger.

Les heures de cette chasse sont depuis le lever du soleil jusqu’à dix heures, et l’après-midi, depuis une jusqu’à quatre.

En automne, par un temps calme et couvert, on peut chasser toute la journée. Mais le mauvais temps, ainsi que les grands froids, dispersent ces oiseaux. Avant les neiges, et lorsque les arbres privés de sève ne leur présentent plus de nourriture, ils se rabattent volontiers sur les champs qui ont porté de l’avoine, du seigle ou du sarrasin. On peut y élever une hutte recouverte de paille, et placer des moquettes ou balvanes ; on est encore, par ce moyen, récompensé de ses soins par d’assez bonnes chasses. Dans le nord de la Russie, ou emploie pour les prendre, pendant l’hiver, un piège dont les voyageurs attester l’étonnante efficacité.

Au milieu des forêts de bouleaux peu fourrées et fréquentées par les petits coqs de bruyère, les chasseurs disposent çà et là, et à une médiocre hauteur, des perches horizontales, soutenues d’un bout par les branches mêmes des arbres, et de l’autre par un bâton fourchu planté en terre. Le long de la perche horizon-