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avoir accès. Si l’on ne prévoit ces précautions, le cresson gèleroit, se flétriroit, et perdroit de ses qualités.

La coupe ne doit pas se faire de la même manière en été qu’en hiver. Dans cette dernière saison, on se contente de couper les pieds de distance en distance, de manière à n’enlever d’une pièce que la moitié du cresson qui s’y trouve. On opère ainsi, afin que la surface de l’eau puisse rester couverte, en partie, par les feuilles du cresson ; ce qui conserve la chaleur de l’eau, et favorise l’accroissement de la plante. Il seroit préjudiciable de suivre la même méthode durant la belle saison ; alors la végétation est plus active ; la chaleur de l’eau et celle de l’atmosphère sont portées à un plus haut degré ; le cresson s’élève à une plus grande hauteur : c’est pour ces raisons qu’il est nécessaire de ne laisser aucun pied de cresson sur place, et de les couper, en suivant successivement les différentes parties de la cressonnière.

Lorsque la saison est très-chaude, on ne doit pas faire la coupe dans le courant de la journée ; le hâle flétriroit le cresson. Pour éviter cet inconvénient, on le coupe au coucher du soleil, ou le matin, jusque vers les neuf heures. Dans tous les cas, il sera bon de l’humecter, et de le placer dans un lieu frais, jusqu’au moment où il est envoyé sur les marchés.

On doit couper le cresson au niveau de l’eau, de manière que, lorsque la coupe est achevée, et qu’on a nettoyé la surface des canaux, les tiges soient entièrement baignées, et que rien ne paroisse au dessus de l’eau.

Lorsque le cresson dépérit, ou que ses tiges commencent à durcir, on l’arrache, et on le plante de nouveau, ainsi qu’il a été dit.

Quoique le cresson ne réussisse pas aussi bien dans les eaux stagnantes que dans les eaux vives et mouvantes, sa culture peut néanmoins avoir lieu dans les mares, et autres endroits semblables ; mais il est nécessaire que ces eaux conservent toujours le même niveau. Si elles viennent à diminuer, le cresson se trouve à sec ; si elles augmentent, il est inondé ; et, dans l’un et l’autre cas, la plante dépérit, et meurt.

On ne peut donc entreprendre la culture du cresson dans ces sortes d’endroits, à moins que les eaux ne conservent naturellement un niveau constant, ou bien qu’on ne puisse les maintenir par le moyen de l’art, en y conduisant l’eau d’une source, d’un ruisseau, etc. : l’on obtiendra ainsi une récolte de cresson, pourvu que les eaux ne soient pas d’une qualité trop contraire à celles qu’exige cette plante.

Quelques personnes élèvent le cresson dans des vases de terre, ou des auges de pierre ; elles recouvrent le fond avec de terre ; elles y plantent, ou elles y sèment le cresson, et y entretiennent l’eau à la hauteur de deux ou trois pouces. L’eau de source, ou de rivière, est la meilleure : on emploie aussi celle de puits. Il faut, dans tous les cas, avoir soin de la changer avant qu’elle commence à se corrompre : on pratique à cet effet, au fond du vase, un trou que l’on ouvre pour laisser échapper l’eau. Il est nécessaire que l’eau ne soit pas trop froide. Avant de l’employer, on l’expose dans un lieu où l’air soit tempéré. Cette sorte de culture demande des soins et de la dépense ; elle ne peut être pratiquée qu’en petit, et comme un objet de fantaisie, ou de curiosité.

Un cultivateur d’Allemagne dit avoir cultivé le cresson dans un terrain humide, et où le soleil ne donnoit qu’une partie du jour, sans l’arroser par le pied ; il se contentoit d’y répandre de l’eau avec un arrosoir, ainsi qu’on le pratique pour les légumes ordinaires. La terre étoit d’une bonne qualité. M. Dambournay