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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/596

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leur mère nourrice plus tard que si elle étoit une poule ordinaire.

L’état de foiblesse du premier âge des poussins dure en général l’espace de deux mois, ou jusqu’à ce que les mamelons dont leur tête et leur cou sont revêtus, se colorent en rouge plus ou moins foncé. Cette époque remarquable dans l’histoire naturelle de cet oiseau est réellement un temps critique pour eux ; les périls dont ils sont environnés pendant leur débile jeunesse s’affbiblissent, et ils perdent le nom de poussin pour prendre celui de dindonneau.

La nature, en colorant ces mamelons, semble annoncer que ces oiseaux n’ont plus besoin des soins multipliés qui leur ont été prodigués, et que pour favoriser cette éruption, il faut encore prolonger ces mêmes soins, augmenter la nourriture, et la rendre plus tonique en y ajoutant quelques jaunes d’œufs, du vin avec du pain émietté, de la farine de froment, du chènevis écrasé, etc.

Après l’époque du rouge, qu’on doit regarder, ainsi que je l’ai déjà observé, comme celle de leur acclimatation, les dindonneaux vont aux champs avec leurs mères, qui ne tardent pas à s’occuper d’une nouvelle ponte ; ils se mêlent sans difficullé et sans danger avec les dindons des années précédentes, s’il s’en trouve. Ils logent en plein air, sur les arbres ou sur le juchoir qui leur est destiné ; ils peuvent, jusqu’au mois d’octobre, être conduits dans les guérets, les prairies et les vignes, après la moisson, la fauchaison et la vendange ; au bois, après la chute du gland et de la faîne, enfin, dans tous les lieux où il y a des fruits sauvages, des insectes et des grains à ramasser ; mais il faut sur-tout les éloigner des vignes lorsque le raisin est mûr, car la grêle n’exerce pas plus de ravages ; ils rentrent le soir à la ferme, bien gorgés de tout ce qu’ils ont avalé d’insectes dont ils ont délivré les champs, des grains qui ont échappé à la main du glaneur, et d’une quantité de subsistances qui seroient absolument perdues pour le propriétaire.

Une fille de douze à quinze ans peut facilement conduire une centaine de dindonneaux ; mais il faut lui recommander de ne pas oublier que, n’ayant pas encore acquis le maximum de leur croissance, ils seroient fatigués par des courses trop longues. Aucune nourriture ne leur donne une chair plus blanche ni plus délicate que le pain de creton ou marc de suif ; on en fait bouillir plus ou moins suivant la quantité d’individus à nourrir ; quand ce creton est bien divisé, on le délaie dans une chaudière, on y mêle des plantes et sur-tout de l’ortie hachée, des racines potagères. Le tout étant bien cuit, on y ajoute de la farine d’orge ou de maïs, dont on forme une espèce une pâte, qu’on distribue aux dindonneaux deux fois par jour au moins, le matin et à une heure, quand on veut qu’ils deviennent gras. Mais comme on ne peut se procurer du pain de creton par-tout, les tourteaux ou marcs d’huile de noix, de lin ou d’amandes douces le suppléent ; mais il faut éviter soigneusement de les engraisser avec cette nourriture, car leur chair en participeroit.

Indépendamment de l’ortie grièche, du persil, toutes les plantes auxquelles on reconnoit une propriété tonique et stomachique conviennent singulièrement bien aux dindons de tous les âges ; le fenouil, la chicorée sauvage, la mille-feuille, peuvent entrer dans la composition de leur nourriture. Un soleil ardent est funeste à ces oiseaux autant que la pluie ; aussi les dindonniers intelligent ont-ils soin de ne conduire leurs jeunes troupeaux au pâturage que pendant les heures du jour les plus tempérées, le matin, après que la rosée est dissipée, et le soir, avant qu’elle paroisse, savoir :