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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/597

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depuis huit heures jusqu’à dix, et le soir depuis quatre jusqu’à sept ; il est bon que les dindonneaux trouvent de l’ombrage dans leur promenade, et on, doit, au moindre signe de pluie, se hâter de les rentrer dans leur habitation, et de les garantir des mauvais effets que produit sur eux l’humidité froide.

Engrais des dindons. Ce n’est que quand le froid arrive, et que les dindonneaux ont atteint environ six mois, qu’on doit songer à leur administrer une nourriture plus ample et plus recherchée, afin d’augmenter promptement leur volume et leur embonpoint. Les mâles sont connus alors sous le nom dindon, et les femelles sous celui de dinde.

Pour les engraisser, on se sert de leur appétit, et le régime ordinaire suffit ; mais s’ils n’en ont pas un assez violent, il faut les gorger, les tenir dans un lieu sec et obscur, bien aéré, ou mieux les laisser rôder autour des bâtimens, mais sans sortir de la cour de la ferme. Pendant un mois, tous les matins, on leur donne des pommes de terre, cuites et écrasées, et mêlées avec de la farine de sarrasin, de maïs, d’orge, de fèves grises, suivant les ressources locales ; on en forme une pâtée qu’on leur laisse manger à discrétion. Tous les soirs il faut avoir l’attention d’ôter ce qui reste de cette pâtée, de laver parfaitement le vase dans lequel elle avoit été mise le matin.

Il faut, pour cet oiseau, comme pour les autres, tenir propre leur manger, et bien se garder de donner le lendemain le restant de la pâtée de la veille, parce que s’il fait chaud, elle contracte de l’aigreur et pourroit leur déplaire. Un mois après l’usage de cette nourriture, on y ajoute tous les soirs, lorsqu’ils vont se coucher, une demi-douzaine de boulettes composées de farine d’orge, qu’on leur fait avaler, et cela seulement pendant huit jours, au bout duquel temps on a des dindes excessivement grasses, délicieuses, du poids de vingt à vingt-cinq livres.

Dans beaucoup d’endroits, on ne prend pas le soin d’élever des dindons ; on les achète maigres, au marché, mais lorsqu’ils ont poussé le rouge ; et on les engraisse insensiblement, en leur donnant tous les résidus dont on peut disposer. Les femelles s’engraissent plus facilement que les mâles.

Ou met encore en usage une autre pratique pour engraisser les dindons ; elle consiste à leur faire avaler des boulettes composées de coquilles de noix et de pommes de terre, qu’ils digèrent à merveille. On commence par un petit nombre, et l’on va toujours en augmentant. La première chose, c’est de les enfermer dans un lieu obscur, et de les faire manger par force, en leur fourrant dans le gosier tous les alimens qui peuvent leur convenir.

Chaque canton a sa méthode pour engraisser les dindons, et toujours elle dépend des ressources locales ; tantôt c’est le gland, la faîne ou la châtaigne, qu’on fait cuire et qu’on broie avec une farine quelconque, du grain le plus commun ; tantôt, comme dans la ci-devant Provence, ce sont des noix tout entières, qu’on leur fait avaler une à une, en leur glissant la main le long du cou, jusqu’à ce qu’on sente qu’elle a passé l’œsophage. On commence par une noix, et on augmente insensiblement jusqu’à quarante ; mais beaucoup de personnes n’estiment pas ce genre d’engrais pour les dindons, à cause du caractère huileux qu’il donne à la chair.

On a annoncé qu’il seroit possible d’engraisser les dindons plus vite, et à moins de frais, en les chaponnant ; que d’ailleurs il en résulteroit une chair plus fine et plus succulente. Nous ignorons si cette opération est pratiquée quelque part ; mais en supposant qu’elle le soit, elle doit être accompagnée d’accidens nombreux.