Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/126

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œuvre de l’accroissement ; que ces humeurs s’accumulent et se développent peu à peu, finissent par engorger les viscères, subjuguer les vaisseaux, gêner le cours du sang, détruire l’équilibre, dominer l’organisation, constituer une pléthore, et que la santé ne peut se rétablir qu’après que les forces se sont réunies pour rejeter au dehors ces impuretés, résultat qu’on appelle en conséquence dépuration ?

Quand elle est incomplète, est-ce qu’il reste un levain qui soit la source, l’origine des nouveaux flux, des nouveaux dépôts qui viennent à reparoître ? Est-ce aussi le défaut de sortie de ce levain qui donne lieu à cet état valétudinaire qu’on voit durer toute la vie dans quelques sujets ?

La dentition qui s’opère depuis la naissance jusqu’à l’âge de cinq à six ans, la fluxion générale de la tête qui arrive souvent lors de l’apparition des crochets et des dernières molaires, ne suffiroient-elles pas pour expliquer l’affection de la membrane nasale ou l’abcès qui se remarque dans la gourme, sans imaginer une humeur préexistante ?

Le sol marécageux, les changemens brusques de l’atmosphère, les alimens durs, les travaux avant l’âge adulte, qui troublent la protrusion des dents, ne peuvent-ils pas exciter les gourmes des diverses espèces fâcheuses, dont sont exempts les chevaux qui habitent des climats plus salubres, et qui sont soumis à un régime plus favorable ?

Ces questions sont susceptibles de discussions plus ou moins ingénieuses : mais, ennemis de toute hypothèse, nous ne croyons point devoir en dire davantage, préférant nous livrer à des objets d’une utilité réelle.

Tous les chevaux ont-ils la gourme nécessairement, soit d’une manière apparente, par des flux, des tumeurs ; soit d’une manière imperceptible, par la transpiration, par les urines, ou simplement par une fièvre, etc. ?

La gourme étant de la nature qu’on vient de supposer, est-elle encore contagieuse ? Il y a des personnes qui sont de cette opinion, et qui assurent qu’un cheval affecté de la gourme peut la donner non seulement de diverses espèces, mais encore communiquer la morve à un autre cheval qui y auroit de la disposition. Ces faits néanmoins ne nous paroissent point assez constatés pour pouvoir les avancer comme certains ; on n’a point encore fait non plus l’essai de la vaccine pour préserver les chevaux de la gourme, comme on a vacciné les moutons pour les préserver du claveau ; cependant il seroit intéressant que les gens de l’art qui habitent les pays d’élèves, fissent ces expériences, dont le succès auroit des résultats utiles, attendu que la préservation de la gourme devroit sans doute beaucoup diminuer les pertes de chevaux causées par la morve, le farcin, et les eaux aux jambes, qui souvent en sont une suite. (Voyez Vaccination.)

Les différences que l’on remarque dans l’apparition de la gourme, soit quant aux phénomènes, soit quant aux époques, nous obligent de distinguer des gourmes de plusieurs espèces, qui seront :

1o. La gourme avec inflammation modérée ;

2o. La gourme avec inflammation excessive. ;

3o. La gourme cachectique ;

4o. La gourme avec spasme ;

5o. La gourme gangreneuse.

De la gourme avec inflammation modérée. L’âge le plus favorable pour l’apparition de la gourme, est celui de trois à six ans, époque pendant laquelle il s’entretient une fièvre locale considérable dans les os des mâchoires et dans toute la tête, pour opérer l’éruption des dents d’adulte. (Voyez Dentition laborieuse, à l’article Fluxion périodique.) C’est aussi à cette époque que l’animal a acquis un Accroissement (Voyez ce mot) et une force qui permettent une crise complète. Les causes qui occasionnent et entretiennent ce degré modéré d’inflammation, sont un climat sec, de l’herbe courte et fine, qui ne soit pas privée des rayons du soleil, qui n’ait point reçu d’engrais ; des logemens salubres, des pâturages où les chevaux bondissent en liberté, des travaux modérés, le pansement de la main exécuté avec soin ; enfin le printemps, moment du renouvellement des poils, où l’économie animale semble prendre une nouvelle existence.

Les poulains élevés dans des pays secs, qu’on ne tient dans les pâturages que lorsque le temps est beau, jettent abondamment leur gourme pendant la protrusion des dents d’adulte avec une inflammation modérée, et ne sont pas exposés à des rechutes.

Dans la gourme modérément inflammatoire, il n’y a d’autres symptômes essentiels qu’un écoulement blanc floconneux qui a lieu par les naseaux, et un abcès de matière louable qui a son siège ordinairement à la ganache.

Cet effort de la nature est précédé d’une fièvre légère peu sensible, qui quelquefois se termine au moment où l’écoulement s’effectue, d’autres fois se soutient jusqu’à ce que l’abcès soit entièrement formé, et diminue de plus en plus jusqu’à son entière suppuration, et jusqu’à la fin de l’écoulement par les naseaux. Quelquefois même il n’y a pour ainsi dire point