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pour l’engrais. Cette circonstance porte plus de préjudice au propriétaire qui engraisse les animaux dans les champs, qu’à celui qui entreprend l’engrais à l’étable, la translation des animaux d’un lieu à l’antre pour pâturer étant pénible ; tandis qu’à l’étable l’animal se soutient debout avec moins d’efforts, ou même peut rester le plus souvent couché.

Les accidens les plus fréquens qui arrivent dans le temps de l’engraissement, et dont le plus petit des inconvéniens est de le retarder, sont les météorisations des estomacs et des intestins, les coliques, la constipation, la diarrhée, le flux de sang, le pissement de sang, le gonflement du foie et de la rate.

Ces différentes maladies qui suspendent l’engraissement, qui même le font rétrograder, et qui détruisent un si grand nombre d’animaux de toutes espèces, tiennent à de mêmes causes, dont il est souvent facile de prévenir les effets, mais auxquelles on n’a pas fait attention, parce qu’il étoit trop simple de s’y arrêter. Ces causes sont essentiellement la quantité et la qualité des alimens que l’on donne ou que l’on permet sans ordre ni mesure. Ainsi, bien loin d’indiquer des remèdes pour les combattre, nous tâcherons de faire mieux, nous nous occuperons des moyens de les prévenir.

Plus la bête est foible par sa constitution physique, ou affoiblie par le travail, la route, par la mauvaise nourriture, le défaut de soin, plus il faut prévoir ces effets désastreux, presque certains. Car, où il survient une surcharge de matières dans des entrailles incapables par leur débilité de les digérer, ou si la digestion a lieu, les autres organes manquent d’exécuter une bonne élaboration du sang, et les viscères sanguins sont subjugués.

Le succès de l’engrais dépend du commencement ; plus ce commencement sera dirigé avec méthode, plus l’engrais sera prompt, efficace et sûr. Ainsi le cultivateur ne sauroit trop examiner l’animal qu’il se propose de soumettre à l’engrais. Les bœufs qu’on engraisse à l’herbe doivent être comptés, visités chaque jour avec beaucoup de soin par le propriétaire, ou par le gardien.

Ceux que l’on engraisse à l’étable doivent être soignés de la manière la plus exacte, par une personne pour laquelle cette occupation soit la principale tâche. Plus un bœuf aura souffert et dépéri, plus on usera de précaution pour le nourrir. On lui donnera d’abord peu d’alimens à la fois. La ration est suffisante, quand le flanc gauche est soulevé et que le bœuf se couche. On ne lui en présente une nouvelle que lorsque la première est complètement digérée, c’est-à-dire lorsque le flanc est abaissé et que l’animal donne des signes d’une faim non équivoque. On persistera dans cette manière jusqu’à ce que les anciens alimens soient complètement évacués. Si cette évacuation étoit trop tardive, on l’accéléreroit par une boisson mucilagineuse ; on feroit cuire du son avec de la graine de lin, et on donneroit un seau de ce mélange le matin, et autant le soir, outre les fourrages qui font la principale nourriture.

Ces fourrages doivent être choisis et donnés simplement ; il est inutile et même nuisible d’employer des moyens factices, pour forcer l’animal à les manger : dès qu’il les dédaigne, c’est une preuve qu’il en a trop dans l’estomac : il faut les retirer, nettoyer à fond l’auge et le râtelier, et éloigner le repas suivant, jusqu’à ce que la digestion soit faite, et que l’appétit soit complètement revenu.

La boisson doit être l’eau pure : on évitera même d’en donner trop ; l’excès d’eau délaie trop les alimens et affoiblit l’estomac. La boisson ne doit jamais rester devant l’animal. On doit la lui présenter deux fois par jour après le repas.

S’il est très-avide de ce liquide, c’est un indice que les alimens sont trop secs ou trop échauffans. Dans cette circonstance, on aura recours à la pomme de terre ou à la rave, aux carottes, aux panais ou autres racines, qu’on pourra se procurer ; et, dans le cas où ces objets manqueroient, on y substitueroit l’orge macérée ou cuite à la vapeur de l’eau bouillante.

Mais si, au contraire, l’animal dédaigne absolument la boisson, on conclura que les alimens dont il fait usage sont trop aqueux, et, en ce cas, on les combinera avec des alimens qui renferment moins d’eau : s’il étoit difficile de s’en procurer, on auroit recours au sel, dont on saupoudreroit les alimens matin et soir.

Le cultivateur doit avoir sans cesse les yeux fixés sur les animaux qu’il engraisse à l’étable : pour peu que le flanc gauche des ruminans se soulève après ou dans le courant du repas, que ce soulèvement soit accompagné d’allongement de l’animal, d’un peu de tristesse, que la rumination s’exécute lentement, ou pas du tout, il doit penser que l’indigestion exista et qu’elle ne tardera pas à se manifester par des signes plus fâcheux.

Celle qu’éprouve le cheval et le cochon se reconnoît au soulèvement des fausses côtes, à la tension des flancs, au bâillement, à l’ac-