Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des animaux engraissés ou le degré de l’engraissement dépendent, 1°. de la taille ; 2°. de la constitution, de la race, de l’âge et du travail ; 3°. du sexe et de la castration ; 4°. de la manière dont l’engraissement s’est fait, soit au pâturage, soit à l’étable.

Un animal plus grand est susceptible de plus de poids et de plus de graisse qu’un petit, toutes choses égales d’ailleurs.

Cependant, il y a des animaux d’une constitution solide et souple, qui prennent beaucoup plus de graisse et qui viennent à peser plus que d’autres qui sont plus grands. Il en est qui ont beaucoup de chair et peu de suif, telle est la race, des bœufs suisses ; mais ce reproche n’est dû sans doute qu’à ce qu’on ne leur fournit pas une nourriture assez abondante, et sur-tout assez long-temps.

Outre que la quantité et la qualité de la graisse des animaux qu’on nourrit au pâturage sont relatives à la nature du sol et du climat, elles dépendent encore principalement de la constitution atmosphérique qui règne pendant l’engraissement ; de sorte qu’une année, les bœufs d’un canton, d’un herbage sont meilleurs ou moins bons qu’une autre année, selon qu’il a fait sec ou humide, et selon la nature primitive du pâturage. Les lieux élevés engraissent beaucoup mieux dans les années humides, et les lieux bas dans les années sèches. Il est aussi des bœufs de même race, et mis dans les mêmes circonstances, en qui une partie prend plus d’extension, plus de graisse que dans les autres ; tantôt c’est le devant, tantôt c’est le derrière.

En général, la graisse a un terme dans chaque animal, et lorsqu’il est atteint, il faut se hâter de le vendre au consommateur. Après ce terme, les animaux ne profitent point, à beaucoup près, en proportion des dépenses qu’ils occasionnent, et en proportion du temps que l’on perd.

Le suif d’un bœuf, lorsqu’il est bien engraissé, est ordinairement le huitième du poids de l’animal vivant ; la peau, le dixième ; la tête et les pieds, un vingtième ; les entrailles, un dix-huitième. Toutes ces parties ensemble peuvent s’évaluer au tiers. Enfin, la chair ou les parties principales de l’animal composent les deux autres tiers.

Les proportions sont à peu près les mêmes pour le mouton. Les proportions de la graisse, c’est-à-dire l’axonge et le lard, sont plus considérables dans le cochon, ainsi que dans la poule, et sur-tout dans l’oie.

Les bœufs, en France, rendent à la boucherie, de quatre cents à douze cents livres de viande.

« Il y en a de plus pesans en Hongrie, en Allemagne, en Suisse, en Angleterre, en Irlande. On assure qu’il s’en trouve du poids de plus de cinq mille.

» On a promené dans Paris, en 1778, un bœuf suisse qui pesoit, vivant, plus de trois mille livres[1]. »

On voit des dindons plumés, non vidés, peser quinze et même vingt livres. On a vu à Crèvecœur, département du Calvados, un coq vierge, plumé et vidé, peser sept livres. Mais, ces degrés excessifs de graisse sont-ils bien avantageux ? Les alimens donnés pour les produire serviroient à nourrir d’autres animaux.

6°. Accidens qui surviennent pendant l’engraissement. Les sujets qui sont malades, ou qui ont quelque disposition maladive, ne tardent pas à éprouver des effets sinistres, par la surabondance des sucs nourriciers : ces sucs travaillés par des organes viciés ne peuvent acquérir les qualités requises pour être assimilés aux différentes parties.

Lorsque les animaux manquent des dispositions à s’engraisser, la peau reste dure et adhérente, la transpiration ne s’effectue pas, les urines sont claires et copieuses, les déjections sont noires ou fluides. Alors, pour peu que l’on néglige de faire attention à cet état, il faut s’attendre aux plus grandes catastrophes. Les urines ou les matières fécales ne tardent pas à devenir sanguines : dans le premier cas, c’est le Pissement de sang ; dans le second, c’est la Dyssenterie : or, l’une et l’autre sont souvent mortelles. (Voyez ces maladies.)

Lorsque les urines et les excrémens ne présentent rien de particulier, et que la peau néanmoins ne reçoit aucune extension, il se forme dans les vaisseaux une réplétion dont le siège le plus considérable est la rate. Ce viscère se remplit tout à coup, il acquiert le double, le triple, ou le quadruple de son volume, et l’animal succombe. (Voy. Maladie Rouge.)

L’engraissement n’est pas funeste aux animaux boiteux, foibles sur membres, trop allongés de corps, il est seulement plus long : les douleurs que la mauvaise conformation leur fait éprouver occasionnent une consommation de sucs nourriciers qui deviennent en pure perte

  1. Encyclopédie méthodique, Dictionnaire d’Agriculture, article Bétail ; par M. Tessier.