Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/167

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rude, on auroit pu craindre que le jeune bois de ces greffes, qui n’auroit pas eu le temps de s’aoûter, et qui n’offroit qu’une consistance herbacée et très-aqueuse, n’eût été détruit ou au moins très-fatigué par les gelées. Ainsi, en voulant gagner du temps par une mesure précipitée, on en perd réellement de très précieux : dès que la mi-août est arrivée, il est prudent de ne greffer qu’à œil dormant pour la plus grande partie des arbres de pleine terre.

De la greffe en écusson à yeux doubles. Les greffes ne réussissent pas toujours, soit parce que le sujet ou la greffe ne sont pas dans un état favorable à la réussite, soit parce que l’opération aura été mal faite, ou soit enfin par quelqu’accident météorologique. Lorsqu’on attache du prix à la multiplication d’une espèce, au lieu d’une greffe on en pose deux et quelquefois un plus grand nombre sur le même sujet. Il en résulte un plus grand nombre de chances pour la réussite. Mais ces greffes ne doivent pas être placées au hasard. Pour plus de facilité, les cultivateurs les placent à l’opposite l’une de l’autre, afin que la même ligature serve pour deux greffes. Il n’en résulte aucun inconvénient, lorsque le sujet sur lequel on greffe est à branches opposées, comme dans les frênes, les lilas, les phylliréas. Quand il arrive au contraire que les branches sont alternes, il doit résulter de cette contrariété un malaise qui peut nuire, sinon à la réussite de l’écusson, du moins à sa vigueur, à sa prospérité durable. Autant qu’il est possible, il faut seconder la nature et ne pas la contraindre. Il est donc prudent, lorsqu’on place plusieurs greffes sur un sujet, de les poser dans l’ordre où la nature les eût disposées elle-même.

La greffe avec chevron brisé ne se pratique que pour les arbres résineux et autres qui abonnent en sève visqueuse, et qui sont susceptibles de noyer leurs yeux et de les faire périr par surabondance de nourriture.

On l’opère comme toutes les autres greffes en écusson ; toute la différence consiste en une double incision qu’on fait au dessus de la greffe, lorsqu’on s’aperçoit que l’œil est bien soudé et que la sève descend avec trop d’abondance. Cette incision doit être faite précisément au dessus de la greffe et avoir la figure d’un chevron brisé A. Son effet est, en coupant les vaisseaux séveux dans la partie de l’écorce qui se trouve au dessus de la greffe, d’empêcher la sève, qui descend de l’arbre vers les racines, de s’arrêter dans l’incision, nécessitée par la greffe et de noyer l’œil.

C’est à Magneville qu’on doit ce procédé ingénieux, qui met à même de multiplier, par la voie des greffes, une série d’arbres très intéressans, qu’on n’avoit encore pu propager, jusqu’à lui, que de graines. (Th.)


GRÊLE. La cause physique de ce météore, d’autant plus terrible qu’il n’exerce ses ravages qu’a l’instant, pour ainsi dire, où l’espoir d’une abondante moisson dédommageroit le cultivateur de ses soins, de ses peines et de ses avances ; la cause physique, dis-je, a été complètement développée par Rozier ; il n’a pas pourtant indiqué les ressources que peuvent encore se procurer les malheureux habitans des campagnes, qui viennent d’éprouver une pareille calamité. En attendant que les physiciens aient découvert le moyen de conjurer la grêle, comme ils sont parvenus à éloigner la foudre de nos édifices publics, nous allons faire en sorte de réparer cette omission, et insérer dans cet Ouvrage un extrait de notre avis aux cultivateurs dont les récoltes ont été anéanties par la grêle du 13 juillet 1788, qui a ravagé cent lieues carrées du pays le mieux cultivé.

On a pu, dans les temps d’ignorance, croire que la grêle frappoit la terre de stérilité pour quelques années, et portoit avec elle un poison capable de nuire aux productions végétales qu’Où essaieroit de faire venir aussitôt après sa chute ; mais aujourd’hui qu’on sait, à n’en pouvoir douter, que ce météore n’est autre chose qu’une eau très-pure réduite en glaçons par le moyen de l’électricité, il est évident qu’elle ne sauroit produire d’autre effet que le refroidissement momentané, et le tassement du sol sur lequel elle est tombée, et d’exercer une action mécanique plus ou moins destructive sur les végétaux : il y a donc lieu d’espérer de tirer encore parti de terrains ainsi ravagés, et d’y cultiver quelques plantes utiles, en supposant que la saison ne soit pas trop avancée, que le hâle et la séche-