Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/171

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telles, telles que la carie, les chancres et les gouttières. Il est important, pour les prévenir, de couper ces branches éclatées, rompues, ou simplement tordues, à quelques pouces au dessus de leur rupture, et de se servir, pour cette opération, d’un instrument bien tranchant ; on doit, autant que cela est possible, faire en sorte que ces coupes soient dirigées vers l’aspect du nord, qu’elles soient bien unies, et qu’elles aient assez de pente pour que l’eau des pluies ne puisse s’introduire dans les petites gerçures qui se font dans le cœur du bois. À cette précaution, on doit joindre celle de mettre un emplâtre de Saint-Fiacre, dont voici la composition : on fait un mélange de terre argileuse, de bouse de vache, délayées avec de l’eau en consistance de mortier ; on le recouvre d’un peu de mousse longue ou de linge, le tout fixé à la branche par un osier, moyennant quoi les plaies se guériront en peu de mois.

Les plaies de l’écorce, occasionnées par la grêle sur les tiges et sur les branches des arbres, seroient peu dangereuses quand elles ne sont pas en grand nombre, si l’on pouvoit, quelques heures après qu’elles ont été faites, en rapprocher les bords, couper tous les segmens qui ne tiennent que par une trop petite partie, et abriter ces blessures du contact de l’air ; mais lorsqu’il s’est passé quelques jours, il convient d’employer un autre moyen. Il suffit souvent de cinq ou six heures, pour que les bords des plaies faites à l’écorce, se dessèchent et changent de couleur, sur-tout si le soleil survient après l’orage et que le hâle soit considérable : l’air pénètre entre le bois et l’écorce, et sépare ces deux parties. Dans ce cas, il convient de couper avec une serpette bien tranchante, l’écorce jusqu’au vif, c’est-à-dire de supprimer toutes les parties qui auront changé de couleur, qui n’auront plus d’adhérence avec le bois, ou qui seront meurtries ; ensuite il faut enduire ces plaies avec de l’onguent de St-Fiacre, et les recouvrir avec de grandes feuilles d’arbres contenues par des liens.

Lorsque les plaies sont trop nombreuses, et qu’elles sont accompagnées de beaucoup de meurtrissures, ce qui arrive plus communément à la vigne et aux jeunes arbres des pépinières, le plus court et le plus sûr est de couper rez terre les tiges de ces arbrisseaux, parce que ces plaies et ces contusions, en obstruant l’écorce, gênent la circulation de la sève, et n’en font jamais que des sujets difformes, aussi inutiles que désagréables à la vue. Mais il faut se hâter de faire cette opération, parce que s’il survenoit une sécheresse, les souches repousseroient difficilement ; au lieu que dans ce moment, où la seconde sève est en activité et la terre humectée à une certaine profondeur, on peut encore espérer des pousses vigoureuses, qui auront le temps de s’arrêter avant les gelées. À cette précaution, on ajoutera celle de donner un fort binage à la terre pour l’ameublir, parce que l’effet de la grêle est de battre la terre et de la durcir.

Je pense que, dans une circonstance à peu près semblable à celle où l’on s’est trouvé en juillet 1788 et 1792, il convient de ranimer l’ame abattue des cultivateurs, en leur disant ce que l’on sait et ce que l’on pense ; ils prendront, dans le conseil qu’on leur donnera, ce qui pourra convenir à leur situation, au sol qu’ils cultivent, à leurs ressources locales, et à l’époque de la saison. Mais à quoi serviroient ces conseils, si les habitans des campagnes, auxquels on les adresse, sont abattus, découragés et dénués des premiers moyens, et s’ils sont dans l’impossibilité de les suivre ?

Le gros fermier est à plaindre, sans doute ; mais il a des droits à des remises, et n’est pas entièrement privé de res-