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serrent avec tant de force et de ténacité, que pour faire lâcher prise à l’écrevisse, il n’est pas d’autre moyen que de lui casser la patte, ou, si l’on est à portée, de lui brûler la queue. Cette manière de pêcher est aussi prompte que fructueuse ; on la pratique également la nuit : on saisit les écrevisses à la lueur des flambeaux, lorsqu’elles se mettent en mouvement pour chercher leur nourriture.

Ces animaux se pêchent aux filets, et voici le procédé que l’on emploie : on ajuste un petit filet sur un cercle de fer ou de bois, et l’on attache à ce cercle un bâton long d’environ cinq pieds, par trois endroits également éloignés l’un de l’autre, en sorte que le filet posé à plat, le bâton se tient droit de lui-même, comme s’il étoit fiché en terre. Un morceau de viande quelconque, la plus corrompue est la meilleure, est fixé au milieu du filet ; le tout se place dans l’eau aux endroits que les écrevisses fréquentent, et, vers la nuit, elles ne tardent pas à sortir de leurs retraites et à se jeter avec avidité sur l’appât ; alors on retire le filet en levant le bâton, et l’on choisit les plus grosses parmi celles qui sont prises.

Un fagot d’épines, au centre auquel on place l’appât, présente les mêmes avantages, et se trouve plus tôt préparé que le filet dont je viens de parler. En cherchant à parvenir jusqu’à la viande, les écrevisses s’embarrassent dans le fagot, et se laissent enlever avec lui ; c’est principalement en été que cette pêche est productive.

Si l’on jette simplement dans l’eau une charogne de quelque quadrupède, retenue par une corde, on la retire souvent couverte d’écrevisses : une morue salée produit le même effet. Le sel est si fort du goût de ces animaux, que quelques pêcheurs se contentent de laisser tremper dans l’eau de vieux sacs qui ont servi à le renfermer, et ils prennent avec cet appât une grande quantité d’écrevisses. Il ne faut pas négliger, dans ces différentes sortes de pêches, de passer au dessous de l’appât, auquel les écrevisses s’accrochent, un panier, une nasse ou un filet qui reçoivent celles qui se laissent couler au fond de l’eau.

Ayez une douzaine de petites perches longues de cinq pieds, et de la grosseur d’un pouce ; fendez-les par le petit bout, et fixez-y pour appât une grenouille ou de la viande gâtée ; prenez ensuite ces perches par le gros bout, et présentez l’autre à l’entrée des trous où vous soupçonnez que les écrevisses se retirent ; elles viendront s’attacher à l’appât ; alors vous glisserez au dessous une petite trouble ou un panier au bout d’un bâton ; vous lèverez en même temps l’appât, et si votre proie le quitte, ce ne sera que pour tomber dans la trouble ou le panier.

Il est encore une autre pêche qui s’exécute par plusieurs personnes. On se rend à l’endroit du ruisseau où l’on soupçonne qu’il y a le plus d’écrevisses ; on plante des piquets, suivant la largeur du ruisseau, et l’on assujettit en travers une grosse perche capable de soutenir le fil de l’eau ; on achève cette espèce de digue ou de bâtardeau, en mettant contre les pieux des morceaux de gazon pour fermer le passage à l’eau et la forcer de prendre son cours ailleurs. Une partie du lit du ruisseau se trouve à sec ; les écrevisses, qui se sentent privées d’eau, quittent leur asile, et on prend celles qui sont assez belles pour figurer sur la table.

Au nord de la Russie, les Tartares fabriquent avec de l’osier des plateaux ronds ; ils attachent au milieu une pierre assez pesante pour les maintenir au fond de l’eau, et ils y ajustent un morceau de viande. Après avoir fait à la glace des trous assez grands pour passer les plateaux, qui ont environ un pied de diamètre, ils les descendent au fond de l’eau, et les en retirent de temps en temps au moyen de