Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/196

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doit être admise au nombre de celles dont la culture est la plus avantageuse et en même temps la plus simple et la plus aisée. Cette assertion est fondée sur mon assez longue expérience.

Cependant il est juste de rendre à chacun ce qui lui appartient ; je dois avouer que l’idée de tirer un parti profitable de la julienne ne s’est point présentée à mon esprit ; elle m’a été suggérée, en 1787, par M. Delys, chanoine et vicaire-général d’Arras, qui voulut bien me remettre des notes au sujet de ce nouveau genre de culture dont la découverte est incontestablement sa propriété. Je n’ai d’autre mérite que d’avoir suivi en grande partie ses procédés, d’avoir confirmé ses expériences par les miennes, et peut-être de les avoir poussées plus loin ; enfin, d’avoir fait ce qu’il désiroit que quelqu’un entreprît, en cultivant la julienne en grand, pour être en état de prononcer sur les avantages et les inconvéniens de cette culture.

C’est comme plante à graine huileuse que la julienne mérite l’attention des cultivateurs. De toutes celles dont on a coutume d’extraire de l’huile, aucune n’en rend une plus grande quantité. M. l’abbé Delys retira de sept pintes de graines de julienne, mesure d’Artois, une pinte d’huile et plus. J’ai fait, pendant plusieurs années consécutives, des expériences comparatives sur les produits en huile, fournis par la julienne, la navette et le chènevis ; elles m’ont donné, pour terme moyen, les proportions suivantes :

Une mesure de graines de julienne, du poids de trente-huit livres, a rendu huit pintes trois quarts, mesure de Paris ; la même mesure de navette, traitée de la même manière, m’a donné un peu plus de sept pintes et demie ; et une égale quantité de chènevis ne m’a produit qu’environ, cinq pintes d’huile.

Je n’ai pas été à portée de comparer les produits en huile du colza et de la julienne ; mais M. Delys qui habitoit une province où la culture du colza est très répandue, s’explique en ces termes sur ce sujet.

« La culture de la julienne est beaucoup plus avantageuse que celle du colza, en supposant même qu’elle rapporte moins d’huile. Je dis, en supposant, parce qu’il faudroit faire l’expérience en grand, pour s’assurer du produit de la plante de julienne, et le comparer au produit du colza sur un espace de terrain de la même étendue. La graine de julienne est plus petite que celle de colza ; mais une plante de julienne, de l’épaisseur de quatre à cinq pouces, a beaucoup de tiges, et beaucoup de fleurs ; la quantité de graines de cette plante peut compenser à peu près la grosseur de celle de colza.

» La julienne est une plante vivace, (elle n’est vivace qu’en apparence) qui… peut durer au moins dix ans dans le même sol, et qui peut durer plus longtemps en la transplantant après cinq à six ans dans un autre terrain, après un léger labour, en divisant les pieds pour en faire plusieurs ; le colza, au contraire, n’occupe la terre que pendant six mois : la plante périt ensuite et se sèche, et chaque année il faut le semer et le cultiver sur de nouveaux frais. »

L’auteur de ces observations continue le parallèle entre la culture du colza et celle de la julienne ; tout y est à l’avantage de la dernière plante. Quoique M. Delys ne cite point d’expérience positive qui établisse avec exactitude la proportion des produits en huile des deux cultures, l’on voit que, d’après son opinion, le rapport de la julienne est, à cet égard, au moins aussi considérable que celui du colza. J’ai prouvé qu’il étoit