Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/20

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ENCRE, (Chimie.) Avant que les chimistes eussent fait des recherches sur la nature de l’encre, elle n’étoit, le plus souvent, que le résultat de recettes informes et de mélanges plus ou moins compliqués, dont la destruction très-prompte ne présentoit, dans les actes privés et publics, aucune garantie, ni aucune stabilité. Lewis fut le premier qui, comparant entr’eux les procédés et les substances employés pour l’obtenir, fit voir que sa perfection ne dépendoit que des proportions exactes et bien déterminées de galle, de couperose et de gomme. Dans un travail très-étendu sur cet objet, Ribeaucourt ne se contenta pas d’en examiner les principes et la manière dont ils agissent entr’eux, il s’occupa aussi de la nature des précipités, et il établit les différences qui doivent exister entre les bains de teinture en noir, et la composition de l’encre. Mais les phénomènes qui se passent dans toutes les opérations de ce genre étoient déjà connus depuis quelque temps, par les belles expériences de M. Berthollet sur la teinture ; il avoit prouvé que, dans la combinaison de l’astringent avec le fer, la couleur noire est due à la double cause de la réduction de l’oxide ramené à l’état d’oxide noir, et au développement d’une portion plus ou moins forte de carbone, en raison de l’oxigène absorbé. C’étoit beaucoup d’être parvenu à se procurer, d’une manière constante, une belle couleur noire, il falloit encore la rendre fixe ; et l’on vit dès-lors que le carbone, en se combinant avec les substances colorantes, pouvoit seul les mettre à l’abri de la destruction. Pitel annonça avoir trouvé une encre qui ne pouvoit être attaquée par aucun des agens connus : mais, examinée avec soin, les avis furent partagés, car Grunner et Verhs la détruisoient par la potasse caustique et l’acide muriatique oxigéné, tandis que Wiegleb et Thorey trouvoient qu’elle résistoit même à l’action de ces deux puissans réactifs. Quelques chimistes, qui savoient l’impossibilité d’obtenir une encre inaltérable en faisant entrer dans sa composition le sulfate de fer, cherchèrent un moyen plus simple de se la procurer, en l’extrayant des substances végétales qui paroissent nous l’offrir spontanément. Bosse, en adoptant les idées de Murray, fit beaucoup d’expériences sur les sucs des plantes ; mais, quoiqu’il eût obtenu de plusieurs d’entr’elles une liqueur inattaquable par l’acide muriatique oxigéné, la couleur qu’il en obtenoit ne lui paraissant pas assez intense, il abandonna des essais très-heureusement commencés. Cependant nous savons qu’une grande quantité de substances indigènes et exotiques, telles que le genipa Americana, l’actea spicata, la bruyère à fruits noirs, l’airelle, quelques espèces de toxicodendrons, l’anacarde, la busserole, le marrube aquatique, et sur-tout le croton cascarilla, peuvent fournir abondamment une belle couleur noire. Quoique nous n’ayons encore obtenu rien de positif des nombreuses expériences faites sur cette matière, nous leur devons de nous avoir indiqué les moyens d’arriver à la solution de ce problème, qui consiste à trouver le dissolvant du charbon. Nous sommes d’autant mieux fondés à l’espérer, que nous dissolvons très-bien les substances qui le contiennent en plus grande quantité, comme l’indigo, le brou, la garance et la galle, qui, par cela même, sont devenues, en teinture, la base des couleurs les plus solides.

Nous allons terminer cet article en faisant connoître quelques procédés dont les résultats nous ont paru les plus avantageux ; voici celui que M. Desormeaux emploie depuis dix ans, en Angleterre, avec le plus grand succès :

Faire bouillir, pendant une heure, dans six pintes d’eau, quatre onces de cam-