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lui imposeront les rigueurs de l’hiver, et s’efforce d’en diminuer le nombre, en conservant, par des moyens économiques et simples, aux végétaux comestibles leur forme, leur chair et leur saveur. Elle sait faire enterrer à propos les racines dans le sable, conserver les fruits ou les légumes dans le vinaigre et la saumure, comme on l’a vue en dessécher les pulpes par l’action du soleil ou du feu. Suivons-la dans la manière dont elle a nuancé ses procédés pour conserver à chaque végétal les qualités qui le distinguent ; ces détails sont minutieux, sans doute, mais ils seront précieux pour l’homme des champs dont ils prolongent les jouissances, et qui préférera toujours des vérités d’une application et d’une utilité journalière, à des théories brillantes dont il n’éprouve pas continuellement les avantages.

Conservation des racines dans le sable frais. Les racines, telles que les carottes, les navets, les salsifis, se conservent frais dans des caves ou dans des celliers. On les cueille par un temps tempéré, ni chaud, ni froid, ni sec, ni humide. On coupe les feuilles à un pouce de la racine, puis on les range à côté les unes des autres, un peu obliquement, dans une espèce de rigole ou tranchée que l’on fait dans le sable. On multiplie ces rigoles ; il suffit que chaque rang ou lit de racines soit séparé de l’autre par un lit de sable d’un pouce ou deux d’épaisseur. L’endroit où on les conserve doit être à l’abri de la gelée et de l’humidité ; l’une et l’autre les feroient pourrir.

Les choux pommés, et ceux dits de Milan, se conservent dans le sable, en rigole, comme les racines. Si l’on n’a pas assez d’espace pour les enterrer de cette manière, on peut se borner à les suspendre au plancher, la racine en haut, dans un lieu sec où il ne gèle point, ou les y déposer sur des planches.

Quant aux choux-fleurs, il faut, dès les derniers jours d’octobre, choisir les plus gros, les dépiauter, les dépouiller de presque toutes leurs feuilles et les replanter dans du sable, dans un lieu où ils ne puissent pas geler. Il ne faut pas les arroser en les replantant, ni après les avoir replantés. Ils profiteront et se conserveront bien. S’il y en a quelques uns trop frais pour être replantés, on ne les enterrera point. On se contentera de les mettre sécher au cellier ou dans une serre.

Il est un moyen simple d’avoir des choux fleurs en abondance, pendant toute l’année ; c’est de les semer dans des caisses ou baquets au milieu d’août. Quand ils seront levés et un peu forts, on descendra les baquets à la cave, où on les laissera tout l’hiver. On les plantera ensuite en bonne terre dans les premiers jours d’avril ; on en aura de bons avant les chaleurs ; on pourra même, avant que la pomme soit tout à fait formée, les enterrer dans la cave, sur le côté, en rigoles. Là, ils achèveront de se pommer et se garderont fort long-temps. Si on les laissoit en pleine terre, ils monteroient.

Conservation par la saumure. Artichauts. Après avoir choisi les plus beaux, on les prépare comme si on vouloit les faire cuire ; on les trempe dans l’eau bouillante assez longtemps pour pouvoir en extraire facilement le foin ; on saupoudre de sel bien fin tout l’intérieur de la partie charnue de l’artichaut, puis on les place dans des pots de grès, que l’on remplit d’eau, en y ajoutant une bonne poignée de sel. Le lendemain, on change cette première eau que l’on remplace par de nouvelle, où l’on met trois ou quatre poignées de sel, avec un demi-setier de vinaigre ; enfin, on les couvre d’une couche de beurre fondu pour empêcher l’accès de l’air. La seule précaution avant de les manger, pour leur enlever le goût de saumure, est de les tremper dans l’eau tiède et de les faire cuire à grande eau.

Haricots verts. On choisit ceux provenant de semence de haricots gris, comme plus tendres ; lorsqu’ils sont parvenus à une grosseur moyenne, on les épluche sans les casser en deux, mais en enlevant seulement les deux extrémités ; puis on les fait blanchir, en ayant soin de ne pas les laisser trop bouillir, afin qu’ils ne perdent ni leur fermeté, ni leur verdeur ; on les fait égoutter ; on les place dans des pots de grès contenant environ trois pintes, sans être trop pressés, pour qu’ils puissent baigner dans l’eau. On met dans cette première eau une poignée de sel ; le lendemain, on jette cette eau et on la remplace par une saumure composée de deux tiers d’eau et d’un tiers de vinaigre ; on l’assaisonne ensuite avec trois ou quatre fortes poignées de sel. Les pots sont préservés de l’action de l’air par une couche de beurre fondu. Les haricots conservent, de cette façon, tout leur goût et leur fraîcheur jusqu’au printemps, et ils reviennent seulement à dix sous la livre au plus à la ménagère qui a suivi cette méthode où les haricots verts ne contractent point un goût de foin, ordinaire dans ceux que l’on conserve en les enfilant par chapelets et les exposant à l’air.

Concombres. Les concombres pelés, dépouillés de leurs graines, et réduits en quartiers un peu plus gros que pour les manger de suite, sont blanchis dans l’eau bouillante ; on en sé-