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Caractères génériques. Le corps oblong, la tête avancée, des barbillons, les yeux saillans et placés au sommet de la tête.

Caractères spécifiques. Six barbillons, la tête lisse et aplatie.

Le nom de loche a été appliqué à plusieurs espèces de petits poissons ; mais c’est celui-ci qui est la vraie loche, la loche franche, que l’on appelle en quelques endroits, petit barbot, franche barbotte, mouteille ou moutoile. Quand il est pris dans son entier accroissement, sa longueur totale n’excède pas trois ou quatre pouces ; sa forme est agréable et propre à fendre les eaux avec rapidité. Il a la mâchoire supérieure plus avancée que l’inférieure, et l’une et l’autre sont dégarnies de dents. La ligne latérale est droite, la nageoire du dos très-courte, et celle de la queue fourchue et molle ; le corps, revêtu de petites écailles, est marbré de blanc et de gris noirâtre ; les nageoires sont grises, et l’on remarque des taches brunes à celles du dos et de la queue. Sur la femelle, les teintes sont moins décidées et les taches moins grandes.

On trouve le plus souvent cette espèce dans les ruisseaux et les petites rivières qui coulent sur un fond de pierres ou cailloux. Sa nourriture se compose de vers et d’insectes aquatiques. La femelle produit une quantité extraordinaire d’œufs ; le temps du frai est le mois de février ou de mars. La chair délicate de la loche surpasse en bon goût celle de presque tous les poissons ; elle est, de plus, fort légère et de très-facile digestion. Il y a des eaux qui donnent à ce poisson une qualité supérieure ; telles sont celles de la rivière de Touvre, en Angoumois. Qui ne connoît aussi les excellentes loches et les jolies confitures de Bar-le-Duc ?

C’est en automne et au printemps que la loche est sur tout recherchée ; les maîtres dans l’art de la bonne chère prétendent que ce poisson devient un mets exquis si on le fait périr dans du vin ou dans du lait. Au reste, il perd la vie dès qu’il est sorti de l’eau, et même quand il reste pendant quelque temps dans une eau tranquille. Pour le conserver dans les vases qui servent à le transporter, il faut avoir soin de les agiter continuellement, et de choisir un temps frais, comme, par exemple, le mois de novembre. C’est ainsi que Frédéric Ier., roi de Suède, fit venir d’Allemagne des loches qu’il parvint à naturaliser dans son pays. On peut encore les garder long-temps en vie dans une huche trouée, que l’on met au milieu du courant d’une rivière, afin qu’elle reçoive toujours de l’eau nouvelle.

Le célèbre historien des poissons, M. Bloch, de Berlin, décrit la manière de construire des fosses où les loches se multiplient. L’on choisit, dans un ruisseau, un endroit qui ait un fond de cailloux, ou qui reçoive l’eau d’une source ; on y creuse une fosse de deux à trois pieds de profondeur, de sept à huit de longueur, et d’environ trois ou quatre de largeur ; on la revêt de claies ou de planches percées, établies néanmoins de façon qu’il y ait un demi-pied d’intervalle entr’elles et les parois de la fosse. Cet intervalle se remplit de fumier de brebis bien pressé. On conduit alors l’eau dans la fosse par une ouverture garnie d’une plaque de plomb ou de fer-blanc, percée de plusieurs trous, afin de fermer l’entrée aux corps étrangers et aux animaux destructeurs. On ménage une autre ouverture, également garnie d’une plaque trouée pour la sortie de l’eau superflue. Il doit y avoir au fond trois ou quatre pouces de cailloux et quelques grosses pierres pour faciliter le frai. Les loches que l’on met dans ces fosses trouvent une nourriture abondante dans les sucs du fumier et dans