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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/248

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chou, dont la tête blanche et serrée pèse souvent quarante livres et quelquefois davantage ? Si le suc froid et sucré de la pêche, combattu par l’immersion de ce beau fruit dans un vin généreux, flatte agréablement le goût, on mangeoit, il y a un moment, avec plaisir, des choux préparés sous diverses formes ; enfin si ce légume, célèbre dans toute l’antiquité, répugne à la table de quelques personnes, si quelquefois il est exclus de la table du maître, il nourrit de robustes ouvriers, occupés des travaux de la ferme ; ou, vendu au marché voisin, il paie doublement l’intérêt de la terre qu’il occupoit ; et puisque le propriétaire fait vendre du blé et du foin, pourquoi ne feroit-il pas vendre des légumes dont la consommation journalière fait un objet de première nécessité ?

Mais les choux ne sont pas les seuls qui réclament l’attention spéciale du propriétaire ; une foule de beaux légumes d’autres espèces se présentent pour enrichir les jardins : je ne veux pas parler des races légumières abâtardies, disséminées par-tout, et connues de la plupart des ouvriers de jardinage, mais de celles qu’une culture longue et assidue, et une surveillance active ont maintenues ou plutôt élevées à une perfection jardinière dans laquelle elles ne peuvent se conserver que par les mêmes soins : telles sont les plus grosses racines de carottes et de betteraves, le cardon à côtes pleines, le gros artichaut, le chou-fleur, les grosses asperges, les laitues pommées et les romaines, les véritables radis de forme ronde de diverses couleurs, les navets de diverses sortes et appropriés aux divers sols, la chicorée fine, et tant d’autres légumes de race perfectionnée, et supérieurs aux races vulgaires. Il est honteux pour l’agriculture de voir, dans presque toutes les parties de la France, de misérables légumes encore presque dans l’état sauvage, comme si les peuples modernes, accoutumés et asservis à tous, les genres de luxe, pouvoient vivre à la manière des robustes Gaulois. Entrez dans la plupart des jardins, et cherchez un chou de vingt-cinq à trente livres, une betterave de dix à douze livres, un très-beau pied de chou-fleur, de cardon ou des choux précoces, pommés et bons à manger au 15 avril ; des laitues et des romaines qui bravent les plus grandes chaleurs, et dont il soit nécessaire de couper ou d’écarter les feuilles pour que la tige puisse en sortir et s’élever en semence : vous chercherez en vain ces précieux légumes ; ils existent, sans doute, mais ce n’est que dans certains cantons ou dans les jardins de quelques cultivateurs, particulièrement dans les jardins des maraîchers, qui prennent à tâche de les y renouveler pour les conserver toujours.

Cependant les frais de culture sont les mêmes pour obtenir de bonnes ou de mauvaises productions : et pourquoi faut-il qu’on en voie si peu de bonnes ?… Il y a deux causes qui y concourent, qui sont : 1° la qualité des graines qu’on sème ; 2°. les soins nécessaires pour la conservation des races légumières perfectionnées.

Je vais donner quelques développemens à ces deux propositions.

S’il est utile d’employer les espèces et variétés de plantes les plus robustes et les semences provenues d’arbres ou de plantes dans la force de l’âge et de la santé, pour former des forêts et des prairies, où les plus vigoureuses constitutions végétales sont les plus désirables, puisqu’elles doivent lutter contre les intempéries et soutenir le cours variable des saisons, il est, par une raison contraire, indispensable d’employer des semences légumières provenues de légumes les mieux nourris, les plus succulens, les plus alimentaires, et depuis longtemps, et dans leurs successives générations, ré-