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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/253

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les joints des banquettes et les murs qui entourent les promenades plantées de marronniers d’Inde : il faut, en hiver, les retirer, écraser les larves, et enduire les joints avec du bon mortier.

C’est spécialement sur le fruit du marronnier d’Inde que l’attention s’est arrêtée ; les fleurs de cet arbre ayant un tissu extrêmement serré, elles résistent davantage aux trois fléaux des fleurs, la gelée, le vent et la pluie. Il fructifie donc assez constamment comme certains poiriers, qui ont, ainsi que le marronnier d’Inde, l’avantage de ne fleurir qu’après les gelées : de là, l’origine de la récolte constamment sûre et abondante, et la source des efforts qui ont dirigé beaucoup d’auteurs vers les moyens de donner à ce fruit une application utile.

On avoit bien remarqué, depuis longtemps, que les bêtes fauves, telles que le cerf, le chevreuil, la biche, venoient manger les marrons d’Inde sous les arbres ; aussi, dans quelques cantons où il régnoit une disette de fourrage, a-t-on essayé d’accoutumer les chevaux et les moutons à s’en nourrir pendant l’hiver. Ce fruit, coupé et cuit, a donc été donné à des bœufs, dont l’engrais a réussi au point qu’on les a vendus ensuite plus cher que ceux qui avoient été nourris à la manière ordinaire ; leur suif étoit solide et abondant, et le lait des vaches qui en avoient fait usage, étoit gras et sans amertume. Cependant il faut convenir que si, jusqu’à présent, nous ne savons pas positivement si les animaux qui continueroient de manger de ce fruit, ne finiroient pas à la longue par s’en dégoûter, nous sommes bien persuadés que, mêlé en certaine proportion avec les fourrages ordinaires, il deviendroit, à l’instar des amers, un puissant tonique, capable de préserver les bestiaux des maladies qui résultent du relâchement et de l’inertie des solides, ainsi que l’a si bien observé M. Puymaurin, qui en a nourri ses moutons pendant un mois, sans que les mères-brebis cessassent de donner un lait de bonne qualité. M. Boos, envoyé à l’Ile-de-France par Joseph II, en 1784, pour y faire une collection de végétaux, a assuré à M. de Cossigny que son père avoit, au moyen des marrons d’Inde, garanti ses bestiaux d’une épizootie qui faisoit beaucoup de ravage dans la principauté de Bade ; et Cretté de Palluel a prévenu, par l’usage de la chicorée sauvage, la maladie rouge dont les moutons sont si souvent attaqués au renouvellement de la saison. N’oublions pas de le dire ici en passant, c’est dans les moyens prophylactiques que la médecine vétérinaire doit puiser ses secours ; une fois le troupeau affecté, il est rare de pouvoir le sauver sans de grands sacrifices.

L’enveloppe ou péricarpe du marron d’Inde a été indiquée comme pouvant servir à la teinture en noir, et même dans les tanneries ; elle contient, à la vérité, une certaine quantité de tannin ; mais ce principe, si abondamment répandu dans les végétaux, est uni à tant de matières extractives, qu’il ne fournit qu’un noir sale : si on mêle sa décoction avec une dissolution de sulfate de fer ; il est tellement empâté par cette matière, qu’il ne peut précipiter la dissolution de colle forte ou gélatine. En cela, il diffère beaucoup de l’écorce de chêne, et, sous ce rapport, il ne sauroit lui être substitué avec avantage : or, si pour se procurer le tannin des deux enveloppes du marron d’Inde, il est nécessaire d’avoir recours à l’alcool qui précipite très-bien la colle forte, on conçoit qu’un pareil moyen est trop dispendieux, et par conséquent impraticable.

Mais une préparation très-vantée dans le temps où elle fut proposée, c’est surtout celle des bougies de marrons d’Inde, dont je crois avoir apprécié le mérite, par un rapport fait au Gouvernement, et dans lequel j’ai prouvé qu’elles n’é-