Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce pain de marrons d’Inde, obtenu sans le concours d’aucune farine, à une époque critique où se trouvoient la plupart des états de l’Europe, pour les subsistances, a fait assez de sensation pour inspirer un certain intérêt. S. A. R. le prince Ferdinand de Prusse m’adressa, peu de temps après la publication que je lis de mon procédé, la recette d’un gâteau de marrons d’Inde, exécuté à Berlin sous ses yeux, et qu’on avoit trouvé fort délicat. Cette recette consiste à mêler l’amidon de ce fruit avec des œufs, du beurre, de l’écorce de citron, et de la levure de bière pour ferment.

Je ne rappellerai pas ici ce que j’ai écrit pour apprécier à sa juste valeur la ressource alimentaire que je proposois alors, et que j’étois bien éloigné de faire entrer en concurrence avec nos grains ; mais, après avoir démontré qu’on pourroit, à la rigueur et sans aucun inconvénient, manger la fécule de marrons d’Inde sans le concours d’aucun mélange, en la délayant simplement dans de l’eau, dans du bouillon ou dans du lait, pour en faire une gelée, une bouillie, j’ajoutois que, s’il étoit absolument impossible, à cause de son caractère gras, d’en faire de la poudre à poudrer, on pourroit du moins la consacrer à la préparation de l’empois et de la colle végétale, comme celle contenue dans les pommes de terre.

Tel étoit le tableau de nos connoissances sur le parti qu’il étoit possible de tirer des marrons d’Inde, lorsque M. Baumé a repris l’examen d’un objet que je n’avois traité que d’une manière générale, et comme faisant partie d’un travail sur un grand nombre de végétaux nourrissans qui, dans un temps de disette, peuvent remplacer les alimens ordinaires. L’analyse que ce savant chimiste a faite de ce fruit est la matière d’un mémoire particulier qu’il a publié. Nous nous bornerons à en donner ici un léger extrait.

Pain de marrons d’Inde, avec mélange de farine. Le travail de Baumé n’a eu pour but que de connoître la nature des parties constituantes du marron d’Inde, et son motif, assurément bien louable, étoit de retirer de ce fruit une plus grande quantité d’aliment qu’on n’avoit pu encore en obtenir, en conservant ensemble la fécule et le parenchyme, débarrassés de toute amertume : voici comme il a procédé.

Fondé sur ce que le foyer de l’amertume du marron d’Inde résidoit primitivement dans la matière extractive, pour l’en séparer, et ne rien perdre de la substance susceptible de nourrir, M. Baumé s’est servi de trois moyens ; le premier consiste à prendre le fruit récent, à l’écorcer, le râper, le broyer et le réduire en pâte sur une pierre, comme pour faire le chocolat, avec cette différence, que le broiement se fait à froid ; le résultat est mis à infuser dans un bocal, avec de l’esprit de vin : le résidu décanté, séché au soleil, dans une étuve ou au four, étant tamisé, est en état de faire du pain.

Par le second moyen, c’est l’eau en grande quantité qu’on emploie, au lieu de l’esprit de vin ; on réduit les marrons d’Inde en pâte ; on décante le précipité obtenu par le repos ; on répète l’opération jusqu’à trois fois, ce qui dure environ trois jours, en observant les mêmes précautions que la première fois.

Enfin, dans le troisième, les marrons d’Inde sont desséchés, réduits en poudre, et soumis dans cet état, aux mêmes lavages que dans l’opération précédente ; ils donnent également une matière dépouillée d’amertume.

Une livre de marrons d’Inde récens, traités avec de l’eau, rend :

Matières inutiles écorce 2 onc. 4 gros. » grains.
extraits 3 1 6
humidité 5 5 12
10 10 »
Matières utiles amidon 2 onc. 5 gros. » grains.
parenchyme 2 » »
4 5 »