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cultivateur doit donner une nourriture suffisante à ses animaux, afin de les maintenir en bonne santé, afin d’en retirer des toisons abondantes, et de prévenir la dégradation des races. L’économie prescrit d’une autre part de ne point prodiguer la nourriture, sur-tout lorsque cette prodigalité n’est pas compensée par les bénéfices.

On peut, il est vrai, augmenter par ce moyen la taille et la grosseur des races. Mais ce perfectionnement artificiel tourne souvent au détriment du cultivateur, sur-tout lorsque la nature du sol qu’il exploite, et la qualité de ses fourrages ne sont pas favorables à ce genre de métamorphose. Les Anglais, qui se sont beaucoup occupés du perfectionnement des races, étoient parvenus à créer des individus monstrueux en taille prix et en grosseur ; mais ils ont reconnu que ces nouvelles races coûtoient, en général, plus qu’elles ne rendoient.

On peut suppléer aux fourrages verts, en donnant aux bêtes à laine des gâteaux de graines oléagineuses, du son, ou de la farine de différentes graines, telles que pois, haricots, seigle, orge, maïs, etc. ; on délaie ces substances dans des tonneaux ou dans des baquets remplis d’eau. On ne sauroit trop recommander ce genre de breuvage qui contribue à maintenir les animaux en bonne santé dans une saison où il est difficile de se procurer des alimens frais : il sera sur-tout utile aux béliers, dans le temps de la monte, aux brebis qui ont mis bas, et aux agneaux qu’on vient de sevrer. On donne ces gâteaux ou ces farines dans la proportion de six ou sept livres pour cent montons. Le résidu qui reste au fond des auges après que les animaux ont bu, fournit une bonne nourriture. Ces substances se donnent en plus grande quantité, lorsqu’il s’agit d’engraisser les moutons.

§. XVI. De l’engrais des moutons. L’engrais des bêtes à laine peut être porté à un degré extraordinaire, ainsi que cela a lieu en Angleterre, où l’on obtient souvent jusqu’à quatre ou cinq doigts de graisse sur le corps de ces animaux. Mais ou ne doit pas les amener à ce degré d’embonpoint, lorsqu’on les destine aux usages ordinaires de la boucherie. Le mouton est alors un aliment fastidieux et malsain. Il seroit impossible de manger dans un repas une livre, et même une demi-livre d’une chair aussi grasse ; les forces du meilleur estomac ne seroient pas assez puissantes pour digérer une aussi grande quantité de matière grasse. Cependant la viande de mouton engraissé à ce point est d’une grande ressource sur la table des gens peu fortunés. Elle peut remplacer le lard, et elle a l’avantage d’être d’un prix bien inférieur, c’est-à-dire dans une proportion de cinq à huit. Une très-petite quantité suffit pour donner une bonne soupe, et pour assaisonner une grande quantité de légumes, ou de substances farineuses ; l’on trouve ainsi un moyen facile de fournir à la classe indigente de la société une nourriture saine et succulente.

On a éprouvé en Angleterre que le mouton gras, étant salé et conservé quelque temps dans la saumure, acquiert une saveur semblable à celle du lard. L’habileté de quelques personnes est si grande dans cette préparation, qu’on ne sauroit trouver aucune différence entre ces deux espèces de graisse. Le moyen alimentaire dont nous parlons nous paroît assez important pour mériter d’être adopté par les fermiers. Ils pourront ainsi donner à leurs ouvriers une nourriture saine, succulente, et économique.

§. XVII. De l’inoculation du claveau. Nous ne devons pas passer sous silence une opération pratiquée par les cultivateurs allemands, et dont les heureux effets ont été bien constatés : c’est l’inoculation de la maladie désignée