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bien dressés, parviendra facilement à empêcher que les moutons ne franchissent les limites qu’on veut leur assigner.

C’est ici le lieu de prévenir les propriétaires de troupeaux qu’ils doivent consacrer une certaine quantité d’arpens en prairies artificielles, s’ils veulent maintenir leurs bêtes à laine saines et vigoureuses, et en retirer tous les avantages qu’ils peuvent s’en promettre.

On conduira, durant l’hiver, les troupeaux sur des champs de froment ou de seigle, aussi long-temps qu’il gèle, et que la terre n’est pas couverte de neige : on se contente alors de leur donner, une seule fois par jour, de la paille, pour les amuser dans l’étable, ou pour leur servir de litière. Cet usage, que nous avons vu pratiquer dans plusieurs parties de l’Allemagne, apporte une grande économie dans les provisions de l’hiver.

Quoique les plantes qui croissent dans les bois ne soient pas très-bonnes pour les bêtes à laine, on peut cependant, sans inconvénient, leur permettre de temps à autre ces espèces de pâturages, lorsque les arbres sont assez grands pour que la dent du mouton ne puisse leur nuire. Les jeunes agneaux n’attaquent pas les boutons ; c’est pour cette raison qu’on pourra les introduire, pendant l’hiver, dans les taillis d’un ou deux ans. Il suffit de les en retirer lorsque les bourgeons commencent à grossir : non seulement ces bois fournissent un pâturage abondant, mais ils mettent les agneaux à l’abri des vents froids de l’hiver.

On nourrit généralement les moutons avec de la paille, pendant la mauvaise saison ; cette méthode doit être proscrite. Il est nécessaire de leur donner des racines ou des légumes frais, si l’on veut les maintenir en bonne santé, et en retirer de grands profits.

Les moutons demandent à être entretenus constamment avec des alimens frais, et sur-tout en hiver, époque à laquelle ils ne trouvent plus de verdure dans les champs, et où ils ont besoin d’être bien nourris pour supporter les rigueurs de la saison. On leur donne du regain, lorsqu’on se trouve dans l’impossibilité de les affourrager avec des racines ou des plantes analogues.

Il seroit très-avantageux de leur donner la paille coupée et mélangée avec du foin, ou avec d’autres alimens plus substantiels. Nous recommandons cette méthode que nous avons vu pratiquer avec profit. L’usage de faire manger aux bestiaux la paille hachée est généralement usité dans le nord, et même dans le midi de l’Europe, et mérite d’être imité par les cultivateurs français : il est économique, et ne nuit point aux bestiaux, ainsi qu’on l’a avancé.

Nous conseillons aussi de ne point donner, ou de donner très-peu de grain aux moutons. Cet aliment, quoique nourrissant et salutaire, est beaucoup trop dispendieux, et peut être avantageusement remplacé par les fourrages verts, et sur-tout par les pommes de terre et par les betteraves, ainsi que l’expérience l’a prouvé. Les Anglais qui entretiennent parfaitement leurs troupeaux de moutons, ne leur donnent jamais de grains.

C’est d’ailleurs une erreur de croire que les moutons ont besoin, pour donner de belles laines, d’être largement nourris. Les Ostiaques rompent une jambe aux renards qui leur fournissent les fourrures si appréciées dans les contrées du Nord. Ils emploient ce moyen cruel, afin que l’animal souffrant prenne moins de nourriture ; ce qui donne à sa fourrure un plus grand degré de finesse.

On a souvent observé que des moutons foibles ou malades donnent une laine plus fine, quoique d’une qualité moins bonne, que celle qu’ils portent en état de santé.

Mais il est un milieu dans tout. Un