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sont voisins. Le cheval seconde beaucoup mieux l’homme ; l’intelligence, la vivacité de cet animal, s’accommodent très-bien aux vues de son conducteur. Il est plus courageux que le bœuf ; il fait la moitié plus d’ouvrage, et il consomme beaucoup moins. Il est vrai que quand il est devenu impropre au travail, on n’a pas la ressource de l’engraisser et de se nourrir de sa chair ; mais il dure le double des années qu’on y emploie le bœuf. La chair du cheval ne se mange pas ; mais les produits de ses travaux nourrissent des bœufs et des moutons, pour des valeurs qui l’emportent beaucoup sur ce qu’il pourroit fournir de viande. Le bœuf ne vit le plus généralement que dans les pays où la terre produit sans effort, tandis qu’il est réservé au cheval de faire fructifier un sol ingrat qui, sans lui, fût demeuré stérile.

Si dans quelques pays l’on avoit un plus grand nombre de chevaux, au lieu de faire travailler les bœufs, on les sacrifieroit à la boucherie dès qu’ils sont développés complètement, et on ne les nourriroit pas, comme on le fait aujourd’hui, quatre ou six ans sans que leur valeur augmentât en proportion des dépenses qu’ils occasionnent et du temps qu’ils font perdre : on se procureroit ainsi deux bœufs pour un, avec la quantité d’alimens que les adultes consomment sans profiter. On pourroit cependant associer au cheval les bœufs jusqu’à quatre à cinq ans pour les travaux.

Le cuir des animaux sacrifiés à la fin de leur jeunesse, est plus élastique, plus propre au tannage et à la plupart des usages économiques ; la chair en est plus tendre, plus succulente. En remplaçant de plus en plus les bœufs par des chevaux pour travailler, on tend à doubler presque les produits en viande.

Dans la plupart des pays de labour, la terre ne rapporte que deux années sur trois ; le cultivateur manque à lui faire rendre un tiers de ses productions ; des jachères ruineuses tiennent la place de récoltes nécessaires. Cependant divers points de la France ont une pratique contraire, mieux raisonnée, et toujours productive.

L’art consiste à faire succéder dans le même champ, les plantes qui engraissent le sol à celles qui épuisent ses sucs. Pour avoir les succès de nos compatriotes plus adroits, il suffit donc d’imiter leur méthode.

Les instrumens aratoires sont les mêmes depuis des siècles, une forme de charrue exécute ici avec un homme et deux chevaux, ce à quoi la routine emploie, en d’autres lieux, deux hommes et six et même huit bêtes de trait[1].

Est-il vrai, comme le dit le vulgaire, que chaque espèce d’instrument, chaque usage, soient appropriés, au suprême degré, à la localité dans laquelle ils existent ? L’esprit humain n’a point, sans doute, produit ainsi en détail le plus haut degré de perfection que l’on puisse atteindre ; plusieurs arts, où l’évidence est encore plus sensible qu’en agriculture, font chaque jour de nouveaux pas. La méthode et les instrumens doivent en agriculture marcher à la perfection comme dans tous les arts ; si la terre se repose tant, en tant d’endroits, c’est, n’en doutons pas, parce que les chevaux n’y sont pas meilleurs et en plus grand nombre. Multiplier les chevaux pour les travaux des champs, c’est un moyen d’avoir un plus grand nombre d’autres animaux, et par conséquent plus d’engrais, et de se procurer plus de matières premières pour les arts et les manufactures, ainsi qu’une plus grande abondance de subsistances.

Le cheval étant aussi un des prin-

  1. Voyez le Rapport sur le perfectionnement des charrues, fait à la Société impériale d’Agriculture. Paris, Bossange, et chez M. Huzard. An 11.