Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/356

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des barils qui ont un pied et demi de haut, et dont le diamètre n’excède pas huit pouces, on en fait usage dans les voyages de long cours. Il est inutile que je détaille ici les moyens qu’on emploie pour confire l’oseille ; car, si ma mémoire ne me trompe, vous avez vu cette manufacture, lors de notre séjour à Brest, en 1782. »

Le procédé que je viens d’énoncer, concernant la fumigation de la volaille, a beaucoup de rapport avec celui que les charcutiers, en Franconie, suivent pour préparer les cervelas, les langues fourrées, etc. Pour cet effet, ils blanchissent les viandes ; et, après les avoir fait égoutter, ils les suspendent au dessus du foyer, pour leur donner, disent-ils, l’apprêt de la fumée blanche et de la fumée noire. Par la fumée blanche, ils entendent vraisemblablement la flamme des matières aromatiques au’ils y font agir en premier lieu, à laquelle ils font succéder la fumée : la première leur donne une consistance solide, en expulsant l’humidité, en y introduisant le calorique ; la seconde les raffermit, et leur assure la propriété de se conserver, puisque l’acide et l’huile qui s’en séparent font sur elles l’effet du vernis. Les viandes ainsi apprêtées se conservent très-long-temps ; et les Hollandais en approvisionnent leurs navires.

Pour accommoder les oies, canards, etc., dans les mêmes vues, on ne les fait rôtir à la broche que jusqu’aux trois quarts ; on a soin de mettre à part la graisse qu’ils rendent en cuisant ; on les coupe en quatre, on les arrange bien, en les comprimant, dans un pot de grès, et en mettant entre chaque lit des branches de thym, quelques feuilles de laurier et du sel ; ensuite on fait fondre la graisse qu’a fournie la volaille en rôtissant, avec beaucoup de saindoux ; il faut qu’il y en ait assez pour que les membres en soient bien couverts. Il est vrai que le saindoux est aussi sujet à la rancidité : il y a cependant un moyen de l’en garantir, pour cela, on le fait bouillir dans une bassine étamée ; on y jette un peu de sulfate d’alumine, calciné et réduit en poudre impalpable ; cette matière se précipite sur-le-champ, et entraîne avec elle les substances qui le disposent à la corruption, ensuite on le tire au clair ; dans cet état il peut se conserver plusieurs années sans devenir rance. De cette manière, on peut aussi mariner les poules, poulets, coqs, etc. : dans ce cas, après les avoir coupés par membres, on les couvre de sel très-pur pendant deux jours, ensuite on les expose à la fumigation, comme j’ai dit ci-dessus ; on les arrange dans un pot de grès, après avoir enlevé les parties fuligineuses en les essuyant ; on y coule le saindoux fondu en suffisante quantité pour les couvrir parfaitement, sans oublier les plantes aromatiques nommées précédemment. J’ai travaillé chez un pharmacien, en Allemagne, qui employoit le saindoux purifié par l’alun calciné, non seulement pour préparer la pommade, mais aussi pour mariner les oies, et ensuite pour l’usage de la cuisine, ce qui prouve que ce corps salin n’est pas malfaisant : on m’a assuré que les parfumeurs, à Paris, s’en servent aussi dans le premier cas ; mais ils en font un secret.

En embarquant les volailles apprêtées comme je viens de le dire, il en résulteroit un avantage infini par rapport aux inconvéniens que j’ai déjà exposés ; si l’on y joint l’attention de n’emporter que des œufs clairs, on remplira le double but qu’on se propose, savoir, une provision de volailles, et des œufs bons à manger.

Des œufs considérés comme aliment. On sait combien les anciens faisoient cas des œufs. Ils ont cru devoir les placer au premier rang parmi les alimens. Pline, au vingt-unième livre de l’Histoire naturelle, chapitre III, s’exprime ainsi en faveur des œufs : Nullas est alius cibus qui in ægritudine alat, neque oneret, similque vim potûs et cibi habeat. Aristote, et après ce philosophe, tous ceux qui ont écrit sur les animaux ovipares, accordent à ce produit des qualités merveilleuses ; mais renfermons-nous dans le détail des propriétés qui caractérisent évidemment les œufs, et que jamais aucun auteur n’a songé à leur contester. La multiplication des œufs a toujours intéressé les véritables économes. Quelle ressource ils offrent à la ville et à la campagne, dans tous les ménages ! Comme aliment, ils ajoutent, dans les pays à grains, à la masse de la subsistance publique, plus que ne le fait la chair de toutes les espèces d’oiseaux domestiques réunies. Les œufs sont aux ovipares ce que le lait est aux mammifères, c’est-à-dire, la nourriture principale des nouveaux nés ; et lorsqu’on les fait entrer dans la pâtée des poussins, soit crus, soit cuits, mêlés avec des herbes appropriées, de la mie de pain, ou du grain écrasé, le succès de leur éducation est plus assuré. Les œufs, par leur composition, sont uns, et homogènes dans la nature, comme le lait, c’est-à-dire, formés des mêmes principes, quelle qu’en soit la source. L’albumen représente le premier état de la matière caseuse, c’est-à-dire une substance analogue à la lymphe qui