Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/361

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mais, quand on s’éloigne de Toulouse, en remontant vers Pau et Bayonne, cette masse diminue, et l’espèce s’affoiblit.

Comme la grande espèce d’oie est d’un meilleur rapport, elle est la seule qu’on élève ; mais il seroit possible de trouver, dans les espèces sauvages, des jars qui pourroient s’accoupler avec nos oies domestiques, d’où résulteroient des métis dont la chair seroit peut-être plus délicate.

Il paroît qu’en Espagne, où les rivières et les lacs sont par-tout couverts de canards et d’oies sauvages, ces croisemens ont été tentés avec un grand succès.

Tous les ouvrages d’économie rurale prétendent qu’il faut un jars pour six femelles ; mais, dans le Bas-Languedoc, le simple métayer ne conserve pas de mâle, à cause de la nourriture qu’il coûte et de sa méchanceté ; au printemps, et moyennant une légère rétribution, il conduit la femelle au mâle qu’on a gardé dans les métairies un peu considérables, pour servir d’étalon ; et il est démontré qu’il peut, sans se fatiguer, féconder un bien plus grand nombre d’oies. M. Saint-Genis s’est assuré que les oies s’apparient comme les pigeons et les perdreaux ; il a même remarqué que quand le nombre des mâles excédoit celui des femelles de deux et même de trois, en y comprenant le père commun, il n’est arrivé aucune rixe entre les mâles ; les accouplemens se sont faits sans bruit, et vraisemblablement par les choix respectifs. Il est resté, outre le père, deux mâles qui n’étoient pas pourvus. Les couples restoient continuellement ensemble, sauf quelques écarts momentanés, pendant lesquels les autres mâles, même les deux célibataires, ne se permettoient pas d’approcher la femelle avec laquelle ils n’étoient pas accouplés. Les deux jars alloient toujours ensemble, ce qui fait présumer que l’un d’entr’eux pouvoit être une femelle, quoiqu’ils fussent l’un et l’autre blancs. Mais Saint-Genis s’est encore assuré qu’ils étoient mâles, et il a constaté par là qu’en général les mâles sont blancs, tandis que leurs femelles ont toujours quelques plumes grises. Cette distinction, que l’on croit certaine, n’a été faite par aucun naturaliste ; c’est en vain qu’on chercheroit dans leurs ouvrages les signes caractéristiques des oies mâles et des oies femelles.

Pour engraisser les oies, on saisit deux époques différentes de leur vie, ou lorsqu’elles ont acquis le volume ordinaire. Dans le premier cas, c’est l’affaire de quinze jours ou trois semaines au plus ; dans le second, il faut un mois, plus ou moins. Tout le travail consiste à les plumer sous le ventre, à leur donner une nourriture abondante et une boisson suffisante ; à les enfermer dans un endroit obscur, frais, tranquille, peu spacieux ; à faire en sorte, sur-tout, qu’elles ne puissent pas entendre les cris de celles laissées en liberté pour la propagation de l’espèce, et à ne les en sortir que pour les tuer.

C’est au mois de novembre, et quand le froid s’est déjà fait sentir, qu’il faut songer à engraisser les oies ; si on attendoit plus tard, on les nourriroit en pure perte ; elles entreroient en rut, s’occuperoient de la ponte, et l’opération alors n’auroit pas le même succès. Pour y parvenir, on met en pratique plusieurs méthodes : nous allons les décrire toutes. Cet oiseau est d’une ressource trop avantageuse dans nos départemens de l’Ouest et du Midi, pour omettre sur ce point le moindre détail.

M. Puymaurin m’a assuré que dans la seule ville de Toulouse, depuis le mois de juillet jusqu’en octobre, il s’en consommoit cent vingt mille, qui se débitent la plupart par quartiers. Les