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année, et que, par conséquent, outre le risque de les voir manger par les mulots et autres animaux, on perd le revenu du terrain où on les a semées. Il est cependant quelques graines moins dures, telles que celles du tilleul, du tulipier, etc., qui ne lèvent, la plupart du temps, que la seconde année. D’ailleurs, les anomalies, dans ce cas, sont assez fréquentes, c’est-à-dire que telle graine qui, ordinairement, lève l’année où elle est semée, ne germe quelquefois que la seconde année ; tandis qu’au contraire celle qu’on s’attendoit à ne voir lever que la seconde année, pousse dès la première. Il est donc assez difficile de donner des indications précises sur cet objet, et on est obligé de recommander, en conséquence, à tout pépiniériste qui aura semé une graine précieuse dont il ne connoît pas la manière d’être, sur-tout si elle est vieille, de ne pas remuer la terre où il l’aura placée, avant la quatrième année, puisque, jusqu’à cette époque, il peut encore espérer de la voir lever.

On connoît quelques graines, telles que celle de l’orme, qui mûrissent d’assez bonne heure pour donner du plant dès la même année, lorsqu’on les sème au moment de leur chute de l’arbre ; mais malheureusement pour les pépiniéristes, à qui elles font gagner une année, il n’y a que celles-là, parmi les arbres indigènes, qui jouissent de cette propriété.

Les graines semées sont abandonnées à elles-mêmes, quoiqu’il fût bon de les arroser quelquefois pendant les sécheresses ; mais cette opération, qu’on pratique beaucoup dans les pépinières d’arbres d’agrément, ne peut pas être ordinairement employée dans celles des arbres forestiers, à raison de la dépense.

Plusieurs quadrupèdes de la classe des rongeurs, et plusieurs oiseaux, recherchent les graines semées dans les pépinières, et causent souvent de grands dégâts, même lorsque le plant commence à poindre. Il faut donc les détruire ou les chasser.

Le plant levé auroit quelquefois besoin d’être garanti des dernières gelées du printemps ; mais, comme cela devient fort difficile et sur-tout fort coûteux dans une grande pépinière, on est exposé à supporter des pertes considérables par cette cause. Lorsqu’on a passé l’époque des gelées, on n’a plus à redouter que les grandes sécheresses, qui produisent souvent le même effet, et dont, pour la même raison, on ne peut empêcher les suites, quoique l’eau soit à portée.

En général, le plant ne demande, la première année, que deux ou trois sarclages et d’être éclairci lorsqu’il est trop épais.

Le plant de cet âge s’appelle pourrette, et est l’objet d’un assez grand commerce ; c’est-à-dire que des pépiniéristes, établis dans des lieux où le terrain est à bon marché, se bornent à semer des graines et à en vendre le plant, la première ou la seconde année, à d’autres pépiniéristes voisins des grandes villes, qui le repiquent et en font des arbres marchands, par la suite des procédés dont il va être question.

Quelques pépiniéristes pensent qu’il est avantageux de repiquer le plant dès l’hiver suivant ; mais le plus grand nombre d’entr’eux soutiennent qu’il ne doit l’être que la seconde année, pour les espèces les plus hâtives, et la troisième, pour celles qui le sont moins. Il est certain que des plants repiqués dans leur première jeunesse profitent mieux que ceux qui sont restés sur place, lorsque d’ailleurs ils peuvent être garantis de la trop grande ardeur du soleil, et d’une sécheresse trop prolongée ; mais comme, à raison de la dépense, on ne peut pas, ainsi que je l’ai observé plus haut, leur donner tous les soins qu’ils exigeroient, et que ce repiquage ne dispenseroit pas d’une nouvelle transplantation, un ou deux ans plus tard, ce qui augmenteroit encore cette dépense, je crois qu’on doit se ranger du dernier avis.

Il est une manière encore plus rustique, si je puis employer ce mot, de conduire les pépinières forestières, c’est celle où on laisse le plant dans le lieu du semis jusqu’à sa plantation définitive. On la préfère, à raison de sa grande économie, lorsqu’il s’agit de planter des forêts d’une vaste étendue ; alors les plants sont tenus très-clairs, et s’enlèvent généralement à deux ou trois ans. Je dis généralement, parce que quelques pépiniéristes les laissent plus longtemps en place, soit volontairement, soit par défaut de débit ; mais il est reconnu que, dans ce cas, leur reprise est moins assurée. Ainsi tout propriétaire qui établira une pépinière de ce genre, pour son usage personnel, n’attendra pas au delà de la troisième année pour en utiliser le plant, quelque peu avancé qu’il paroisse, parce qu’il doit être assuré qu’il profitera mieux dans le local qui lui est destiné, que dans celui où il a été semé, pourvu que les préparations données au terrain aient été faites convenablement. Cette manière a l’avantage de conserver presque tous les plants avec leurs pivots, ce qui est très-important, ainsi qu’on le verra plus bas.

Mais ici je sors de la pépinière, et il faut y revenir pour indiquer la suite des opérations que