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doit subir le plant, avant de devenir ce qu’on appelle, en termes de jardinage, un arbre fait, un arbre marchand.

Lorsqu’on veut arracher du plant dans l’intention de le transplanter, on doit procéder avec méthode, pour n’endommager que le moins possible les racines ; en conséquence, entamer la planche où il se trouve, par un de ses bouts, et, au moyen d’une fosse assez profonde pour atteindre l’extrémité des racines, miner le terrain pour l’enlever sans les offenser.

Malheureusement on n’en agit pas toujours ainsi ; on arrache à la bêche ou à la fourche, souvent même à la main seule ; aussi manque-t-il beaucoup de pieds à la reprise ; aussi les pieds qui reprennent deviennent-ils souvent foibles et rabougris, de forts et de droits qu’ils étoient. En général, il faut toujours rigoureusement conserver le plus de racines possible, même le pivot.

Même le pivot ! répéteront avec affectation les pépiniéristes attachés à la vieille routine : mais ne voyez-vous pas, diront-ils, que ce pivot, grandissant, s’enfoncera tellement en terre, que lorsque vous serez dans le cas de vendre l’arbre, il vous faudra faire un trou de 3 à 4 pieds, et encore, peut-être, pour ne pas arriver à sa pointe ! D’ailleurs, ajouteront-ils, ce pivot est inutile, puisque, coupé, il sera remplacé par trois ou quatre mères-racines qui fourniront beaucoup plus de chevelu, et par conséquent plus de moyens de subsistance que lui.

D’accord, leur répondrai-je ; mais la nature a donné ce pivot à la plupart des grands arbres, pour qu’ils puissent tirer leur nourriture de la profondeur de la terre, et en même temps s’affermir contre les efforts des vents. Devez-vous, pour vous éviter une légère peine de plus, les priver de ces deux précieux avantages ? Voyez ce parc, planté à si grands frais, il y a cinquante ans, et qui vient d’être coupé pour la première fois l’hiver dernier, pourquoi a-t-il perdu la plus grande partie de ses baliveaux de réserve par les ouragans de l’équinoxe ? c’est que tous les plants de chêne qui y ont été employés ont eu le pivot coupé. Pourquoi la moitié de cette avenue de platanes est-elle si belle, lorsque l’autre est si chétive ? c’est que la première a été formée avec de jeunes plants provenus de graines, et auxquels on avoit rigoureusement conservé le pivot, tandis que la seconde l’a été avec le produit de marcottes qui ne pouvaient pas en avoir.

Ce que je viens de dire conduit naturellement à parler d’une opération indispensable aux yeux de la plupart des pépiniéristes, quelque opposée qu’elle soit au but que tous se proposent : c’est celle qu’on appelle vulgairement l’habillement du plant, et qui consiste, outre la suppression du pivot, à raccourcir toutes les autres racines, et à réduire la tige à quelques pouces de hauteur.

Il faut discuter séparément les deux parties de cette opération, pour en prendre une idée juste, et éviter les erreurs qu’ont commises et ceux qui veulent l’appliquer à tous les cas, et ceux qui la repoussent généralement comme contraire à la nature.

Le simple bon sens suffit pour se convaincre qu’il est nuisible de couper non seulement le pivot, mais encore toutes les racines latérales et les fibrilles destinées à porter la sève dans le tronc, puisque, par là, les moyens de force végétative diminuent, et qu’il faut du temps pour que la portion de racine conservée se soit assez accrue pour réparer ses pertes. Ainsi, dans tous les cas, ce n’est qu’avec ménagement qu’on doit porter le fer sur les racines d’un arbre destiné à être planté, quel que soit son âge. Ainsi, il faut se borner à couper l’extrémité de celles qui ont été rompues par suite de l’arrachage, ou de celles qui s’emportent beaucoup au delà des autres. Ceux qui font autrement, et c’est par malheur le plus grand nombre, sont donc dans le cas d’être blâmés.

Lorsqu’on plante un arbre sans soin, contre saison, ou par un temps trop sec, sans lui couper la tête, l’extrémité de ses branches se dessèche avant que les racines aient pu prendre assez de force pour leur porter une sève réparatrice ; et si cette mort partielle n’occasionne pas la mort générale, elle retarde au moins la végétation ; mais, quand on prend toutes les précautions convenables dans la plantation de cet arbre, qu’on l’arrose et le garantit du hâle, il n’est jamais nécessaire de lui faire subir cette mutilation, comme on le verra à l’article des pépinières d’arbres d’agrément. Ce n’est, par conséquent, que dans les cas où l’on veut ménager la dépense, qu’on est forcé d’étêter le plant ; mais ce cas existe presque toujours dans les pépinières forestières : aussi coupe-t-on généralement la tête aux plants, et les inconvéniens qui en résultent paroissent souvent moindres que ceux qui seroient la suite du système contraire ; mais je crois cependant qu’on doit éviter, le plus possible, cette mutilation.

La distance à laquelle les plants doivent être placés dans une pépinière, varie selon la nature du sol, le temps probable qu’ils y resteront et l’espèce d’arbre. Ainsi ils seront plus écartés dans un terrain maigre, que dans un