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plantés est précieux, puisque c’est une plate bande de terre de bruyère. Cependant il ne faut pas trop les presser, car jamais des plantes de même nature, qui se gênent, ne prospèrent.

Il est bon d’observer, à l’occasion des arrosemens des pots, que, comme la terre de bruyère qu’on emploie pour le repiquage doit être fort sèche, afin de pouvoir la tasser plus facilement avec la main autour des racines du jeune plant, elle prend difficilement l’eau des premiers arrosages. On doit donc en faire de petits et de fréquens le premier jour, pour donner à l’eau le temps d’entrer dans la terre, et ne s’arrêter que lorsqu’on s’est assuré, par l’examen, que la mouillure pénètre jusqu’au fond. On sent combien une erreur de fait, dans ce cas, pourroit être nuisible, puisque le plant dont les racines resteroient dans une terre sèche périroit aussi immanquablement que celui qui auroit été oublié à l’air.

Les repiquages dans des pots se font ordinairement sur une table où il y a un gros tas de terre de bruyère, afin de les rendre plus faciles et moins fatigans pour ceux qui y travaillent. Je dis pour ceux qui y travaillent, parce que, pour accélérer la besogne, et, par conséquent, multiplier les chances de conservation, il est bon d’y employer au moins trois personnes simultanément ; savoir, une qui sépare le plant, une qui le place dans le nouveau pot, une qui apporte sur la table, à mesure du besoin, des pots préparés.

On appelle pots préparés des pots au fond desquels on a placé, sur le trou disposé pour l’écoulement des eaux superflues, un tesson de pot et une poignée de gros sable, et qu’on a à moitié remplis de terre. Le tesson a pour objet de retarder l’écoulement des eaux, et le sable, de les conserver dans ses interstices. Un pot trop percé et un qui ne l’est pas assez ont également de graves inconvéniens pour les plants qu’on y met. On en sent trop facilement les motifs, pour qu’il soit nécessaire de les développer ici.

L’opération du repiquage dans des pots ou en pleine terre n’est point difficile ; mais elle demande beaucoup d’attention de la part de celui qui la dirige ; car les plants sur lesquels elle s’exerce sont souvent d’une délicatesse extrême. Il faut sur-tout ne point casser les racines en enlevant le plant. En conséquence, après avoir mouillé la terre, on doit tâcher d’ôter la masse entière de la terrine en la renversant et soutenant la terre d’une main, tandis que de l’autre on donne quelques légers coups des bords de la terrine sur ceux de la table. Lorsque cela réussit, on opère l’isolation de chaque pied, en partageant la masse avec les mains ou avec la lame d’un couteau, aussi souvent qu’il est nécessaire. Lorsqu’on ne parvient pas à ôter la masse de terre de la terrine par la percussion, on enlève avec une lame de couteau, ou un morceau de bois taillé en spatule, le plant du bord où il y en a le moins, et on y pratique une tranchée qui facilite l’enlèvement de tout le reste.

Toute plante resserrée dans un pot, consommant rapidement la portion nutritive de la petite quantité de terre de bruyère qui lui est accordée, il faut lui en donner, autant que possible, de la nouvelle tous les ans, si on veut qu’elle profite. Cette opération, qui se fait assez ordinairement au commencement de l’automne, mais qu’on peut exécuter presqu’en tout temps, s’appelle rempotage, et se pratique ainsi : on ôte la plante du pot avec les précautions indiquées plus haut, puis, avec un couteau, on enlève toute la terre dont on peut la priver sans couper ses grosses racines, et on replace la motte dans un pot un peu plus grand, qu’on remplit de nouvelle terre de bruyère. On arrose ensuite et on laisse le pot à l’ombre pendant quelques jours, pour empêcher les effets du hâle. C’est presque toujours la moitié, plus rarement le tiers, et encore plus rarement le quart de la terre, qu’on enlève ainsi ; c’est au pépiniériste à en décider, d’après l’inspection des racines et le plus ou moins de vigueur de la plante. Il est de certains cas où on ne doit pas craindre de couper du chevelu, et, dans d’autres, où il faut le ménager. Ce sont principalement les bruyères, les phylica, protées, et autres de cette famille, ainsi que les arbres verts, qui sont dans ce dernier cas. Il est difficile de donner des règles générales à cet égard. Je dois dire seulement que toutes les racines qui se sont contournées, et celles qui sortent du pot, par le trou inférieur, doivent être retranchées sans ménagement.

Peu d’espèces d’arbres et d’arbustes de cette division, sont susceptibles de reprendre de bouture ; mais la majeure partie se multiplie très-facilement de rejetons et de marcottes. J’ai parlé, à l’article précédent, des multiplications par racines, attendu que ce sont les arbres et arbustes dont il y a été traité, qui y sont le plus propres. J’ai parlé de la voie des boutures, à l’article des Pépinières Forestières, ainsi je n’ai plus qu’à entrer ici dans quelques détails sur les rejetons et les marcottes.

On appelle rejetons de jeunes tiges qui sortent naturellement des racines d’un arbre ou arbuste, et qu’on peut enlever sans nuire à