Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/437

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Réaumur, c’est-à-dire, à une chaleur de trois à quatre degrés plus forte que celle des sables d’Afrique, et plus qu’il n’en faut pour faire durcir des œufs. Malgré cette vive chaleur, le phormium qui se trouvoit dans cette partie de la couche, ainsi que des pandanus odoratus, calamus rotang, dracœna pendilla, ensifolia, et tradescantia discolor ne furent point fatigués : au contraire, toutes ces plantes poussèrent avec vigueur, et plusieurs d’entr’elles fleurirent et fructifièrent. Il est vrai qu’on proportionna les arrosemens à la déperdition d’humidité qu’éprouvoient ces végétaux, et qu’on leur donna de l’eau en abondance. Il est bon d’observer aussi que l’époque à laquelle on donna une si forte chaleur à ces plantes répond à celle de leur été dans leur climat naturel, sur-tout pour le phormium, dont le pays se trouve peu éloigné de nos antipodes. Depuis ce temps, cette plante a été laissée pendant l’hiver dans la même serre, et l’été, en plein air, à une exposition chaude. Elle a continué de végéter, de pousser des cayeux de sa souche et de donner des espérances pour sa naturalisation. Mais revenons à l’exposition des motifs qui nous font croire que le phormium textile peut s’acclimater chez nous.

Indépendamment de la similitude des deux climats de la Nouvelle-Zélande et de quelques unes des parties de la France, dont les différences sont à l’avantage de cette dernière, il existe deux autres motifs d’espérance : le premier, que le phormium étant une plante vivace dont les œilletons, qui répondent au gemma dans les arbres, croissant sous terre à plusieurs pouces de profondeur, se trouvent par ce moyen abrités des gelées et hors de leur atteinte, si l’on établit la culture de cette plante dans la partie la plus méridionale de la France. Le second motif vient de ce que le phormium étant de nature sèche, doit donner peu de prise aux froids, même assez considérables, puisque leur action se porte particulièrement sur les corps aqueux, dont elle détruit l’organisation. Tout porte donc à croire qu’on pourra naturaliser ce végétal utile sur le territoire de la république.

Quoique nous, ayons semé de différentes manières, dans diverses saisons et sans succès, une assez grande quantité de graines de cette plante, qui nous avoient été envoyées par sir Joseph Bank’s, à son retour de la mer du Sud, nous croyons cependant que ce doit être la voie de naturalisation la plus sûre, la plus abondante, et celle qu’on doit employer de préférence. D’ailleurs, quelques tentatives faites depuis peu d’années en Angleterre prouvent que des semences de cette plante y sont arrivées sans avoir perdu leurs propriétés germinatives, puisqu’on est parvenu à en faire lever plusieurs. Mais comme cette graine est très-mince et se dessèche en peu de temps, il est convenable de la laisser renfermée dans les capsules qui la contiennent, jusqu’à l’instant de la semer ; de prendre ensuite la précaution de préserver des grandes chaleurs, autant qu’il sera possible, les caisses qui la renfermeront, lorsque le bâtiment passera sous les zônes chaudes, et sur-tout dans le voisinage de l’équateur, parce que la chaleur brûlante de ces parages détruit les germes d’une grande quantité d’espèces de semences. On pourroit aussi en transporter des pieds qui, étant cultivés pendant la traversée, ne manqueroient pas de fournir des individus propres à faire des essais sur la culture de cette plante. Dans les renseignemens fournis par les professeurs du Muséum, au capitaine Baudin, ils l’avoient fortement engagé, si ses instructions le conduisoient à la Nouvelle-Zélande, à faire ramasser une grande quantité de graines et de racines de ces plantes, en les prenant de